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3éme Congrès de la LADDH:Rapport de la Commission des droits civils et politiques

Introduction :

Les droits civils et politiques sont les premiers droits de la personne humaine à avoir été revendiqués dans le combat contre l’arbitraire du pouvoir politique. Ces droits consacrent d’une part les droits de l’individu face à l’État (respect de la vie privée, de la vie familiale, de la propriété…) d’autre part la participation de l’individu à la vie collective (droit de vote, libertés fondamentales…).
Affirmés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ces droits sont garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.

Ce Pacte protège les droits suivants :

• Droit à la vie.

• Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

• Interdiction de l’esclavage et des travaux forcés ;
• Droit à la liberté et à la sécurité, interdiction de la détention arbitraire ;

• Egalité devant les tribunaux et les cours de justice ;

• Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ;

• Droit de réunion pacifique ;

• Droits culturels des minorités.

L’état d’urgence permanent : Le 11 janvier 1992 un coup d’Etat a basculé le pays dans le non-droit et le terrorisme. Pendant plus de trois ans, au mépris des droits de l’homme, l’État a fonctionné sans Constitution, sans Parlement, sans Président, tandis qu’une mise au pas progressive de tous les secteurs de l’administration et de la société a permis, dans une atmosphère marquée par la terreur, de démanteler les acquis sociaux avec le soutien du FMI.

Après 18 ans de normalisation dans une atmosphère de violence et de crise économique et sociale, une chape de plomb continue de couvrir les droits de l’homme dans notre pays, malgré une façade démocratique qui ne trompe que les innocents. Ce rapport a pour objet de décrire la situation actuelle des droits politiques et civiques, résultat de l’exercice autoritaire du pouvoir. Le maintien de l’état d’urgence depuis février 1992 est identifié par la LADDH comme l’obstacle majeur à la promotion des droits de l’homme, à la mobilisation de la société civile et au succès des réformes démocratiques. Instauré à l’origine pour lutter contre le terrorisme il est progressivement apparu construit contre le citoyen qui a pour souci de défendre ses droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Rien ne peut se faire aujourd’hui sans l’autorisation du Ministre de l’Intérieur : aucune distribution de tract à la population, aucune manifestation publique (même culturelle), aucune manifestation de tracts à la population aucune manifestation publique (même culturelle) aucune manifestation de rue (en dehors des bains de foule du Président de la République). Les responsables des services de sécurité civils et militaires avaient pourtant affirmé qu’ils n’avaient pas besoin du texte de l’état d’urgence pour lutter contre le terrorisme. Une pétition initiée par la LADDH et demandant la levée de l’état d’urgence a réuni plus de 15000 signatures : rien n’y fait, le citoyen continue de subir cette malédiction qui l’infantilise, lui interdit d’exprimer son opinion, de s’intégrer dans une société civile active, et de participer librement à l’épanouissement du pays. Finalement, l’état d’urgence, prévu pour combattre le terrorisme, est maintenu illégalement, est ressenti comme une action de terrorisme d’Etat face aux revendications de liberté des citoyens. La LADDH a lancé un appel en vue d’une coalition des forces vives de la Nation en vue d’obtenir l’abrogation de l’état d’urgence.

La violence politique : Bombes artisanales ou sophistiquées, faux barrages, enlèvements, attentats ciblés, voitures piégées, attentats suicides émaillent la vie quotidienne des Algériens et finissent par épuiser leur capital de compassion ; ils subissent avec résignation la banalité de la violence politique et du terrorisme régulièrement rapportée par la presse. On apprend par exemple que 1000 terroristes auraient été tués ou arrêtés durant la seule année 2009, selon un bilan non officiel établi par la presse. De leur côté, les terroristes auraient tué 99 civils et 69 éléments appartenant aux forces de l’ordre. Un investissement massif dans la politique sécuritaire en matière de moyens humains (200 000 policiers ) et matériels (de plus en plus modernes, grâce à l’embellie des cours du pétrole) n’a toujours pas permis à la population de vivre dans une ambiance de paix civile. Le récent assassinat du chef de la police dans son bureau apporte la confirmation que la violence a maintenant contaminé les services de sécurité qui seraient victimes de règlements de compte permanents au sommet. Malgré une amélioration sensible de la situation sécuritaire, la torture reste une pratique courante dans les commissariats : les lois algériennes interdisent de recourir systématiquement à cette pratique, pourtant celle-ci continue néanmoins d’être utilisée, et de bénéficier de l’impunité.

A la violence politique s’ajoute maintenant la banalisation du crime et du grand banditisme, la délinquance de droit commun (rapts, holdup, trafic de drogue, corruption à grande échelle) qui aggrave le sentiment d’insécurité sur l’ensemble du territoire national et le manque de confiance envers la politique sécuritaire du gouvernement.

Les disparitions forcées : Malgré les multiples tentatives du gouvernement en vue d’enterrer dans l’oubli le drame des disparus, les familles de ces derniers continuent de se battre héroïquement pour obtenir la « vérité » des nouvelles de leurs enfants. Elles ne cessent de revendiquer leur droit à la vérité et à la justice. Régulièrement l’existence de prisons secrètes en Algérie est suspectée, notamment par les organisations internationales, malgré les dénégations du pouvoir. Avec le soutien de la LADDH, des rares organisations démocratiques du pays et des ONG internationales de droits de l’homme, elles manifestent chaque semaine devant les locaux officiels de la CNCPPDH, et sont régulièrement harcelées et réprimées. La lutte contre l’impunité, le droit à la vérité (par une commission d’enquête indépendante) et l’indemnisation qui sont normalement complémentaires restent sujet à marchandage avec un pouvoir qui persiste à absoudre des criminels au sein des Institutions de l’Etat.

Les critiques de la politique de réconciliation : Les textes juridiques de mise en œuvre de la charte prévoient une indemnisation, en l’opposant à toute quête pour la vérité et la justice qui continue de mobiliser les familles des disparus. Dans l’ordonnance n° 06- 01, « est victime de la tragédie nationale la personne déclarée disparue dans le contexte particulier généré par la tragédie nationale » (article 27). Elle ne s’intéresse pas à la qualité des auteurs des disparitions – qui ne sont d’ailleurs pas qualifiées de forcées. Il n’y a pas de reconnaissance explicite de la responsabilité de l’Etat dans les disparitions forcées du fait de ses agents. D’ailleurs, « l’Etat Algérien n’est pas coupable dans ces disparitions dues parfois à des actions individuelles de ses agents ». La consécration de l’impunité par l’article 45 de l’ordonnance interdit toute poursuite « à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues » alors que les disparitions forcées en cause ici sont celles dont on considère qu’elles sont l’œuvre d’agents de l’Etat. Il y a évidemment d’autres disparitions qui sont le fait des groupes islamistes armés, alors rangées dans la catégorie des victimes du terrorisme.
Les textes de mise en œuvre de la charte prévoient l’extinction des poursuites pénales ou l’amnistie pour tout individu recherché, condamné ou détenu pour actes de terrorisme. En principe, l’ordonnance n° 06-01 n’accorde pas l’impunité aux personnes inculpées ou condamnées pour des faits de massacres collectifs, de viols ou d’attentats à la bombe dans des lieux publics, ainsi qu’aux complices et aux instigateurs de tels actes. Mais il est de notoriété publique que de nombreux auteurs de tels crimes ont rejoint leur foyer sans être inquiétés par la justice, ce qui est contraire à l’ordonnance elle-même et au droit international. A cela s’ajoute le fait que les proches des victimes du terrorisme n’arrivent pas à obtenir l’ouverture d’enquêtes sur le sort des leurs. Quant aux familles de disparus, du fait d’agents de l’Etat, elles se voient interdire par l’article 45 toutes possibilités d’action pénale contre les auteurs des disparitions. Cette disposition pose problème au regard de la Constitution algérienne elle-même, mais également au regard des engagements internationaux conventionnels de l’Algérie, dans la mesure où elle interdit aux victimes de violations graves des droits de l’homme l’accès à la justice. C’est pour cette raison que le Comité des droits de l’homme de l’ONU a demandé au gouvernement que l’article 45 soit amendé de sorte qu’il ne s’applique plus aux disparitions forcées ni aux actes de torture ou d’exécutions extrajudiciaires.
L’indemnisation est versée aux familles à condition qu’elles établissent un jugement de décès de la victime de la disparition forcée. L’article 30 prévoit qu’« est déclarée décédée par jugement toute personne n’ayant plus donné signe de vie et dont le corps n’a pas été retrouvé après investigations, par tous les moyens légaux, demeurées infructueuses ». De forts doutes sont émis par le milieu associatif et les familles sur la réalité et l’effectivité des investigations menées. Certaines familles connaissent et peuvent identifier les agents de l’Etat qui ont emmené leur proche. Y a-t-il des investigations menées sur la base de ces témoignages ? Les proches n’ont apparemment pas accès aux dossiers. Elles ne sont apparemment pas informées du détail des recherches censées avoir été menées. Peuvent-elles demander l’utilisation de certains moyens légaux particuliers ? Il est significatif qu’aucun disparu n’a, pour l’heure, été retrouvé vivant. Combien de corps ont été retrouvés ? De plus, ces investigations sont prévues par les textes dans le but d’obtenir le constat de disparition ouvrant droit au jugement de décès. Elles sont donc, en principe, liées à l’obtention d’un jugement de décès, auquel certaines familles s’opposent comme elles refusent les indemnisations. Il est significatif à cet égard que le président de la CNCPPDH considère qu’« il reste un noyau dur qui réclame toujours la justice, et leur point de vue est respectable ». C’est bien reconnaître que les textes de mise en œuvre ne consacrent pas la justice et ne satisfont pas le besoin de vérité et le droit à la vérité des familles. (Mouloud Boumghar)

Des dossiers restent en suspens : L’enlèvement puis l’assassinat des moines de Tiberihine, le jugement des assassins de Mecili, les enlèvements d’étrangers au Sahel, les multiples assassinats politiques non élucidés... Ils continuent d’être l’objet de médiatisation à l’intérieur du pays comme à l’étranger : ils donnent une image de marque détestable d’un gouvernement incapable de dire la vérité et portent atteinte à nos relations avec l’étranger tant au sein de l’opinion publique internationale qu’au niveau des gouvernements. Des charniers sont régulièrement découverts : ils posent le problème d’un nombre des disparus reconnus officiellement, leur identification au besoin par des tests scientifiques et finalement quand sera entrepris le travail de mémoire à l’instar de ce qui a été réalisé en Bosnie ?

Les élections et les partis politiques  : Le système politique algérien est en principe construit sur le multipartisme hérité de la Constitution de 1989 et maintenu dans les différentes révisons constitutionnelles. Dans la théorie les Institution fonctionnent conformément à l’Etat de droit. Pourtant, protégé par les dispositions de l’état d’urgence, le pouvoir gère le pluralisme à sa guise : et force est de constater que la gestion du dossier des partis politiques, agréés ou non, échappe à toute considération juridique et règlementaire.
Et de toute façon il est hors de question d’envisager le principe de l’alternance politique par la voie des urnes comme cela est prouvé depuis l’indépendance du pays. Ainsi deux partis pourtant dirigés par des anciens caciques du régime n’ont pas eu le droit d’exister, leur agrément ayant été refusé par le Ministère de l’Intérieur pour des motifs fallacieux. On ignore actuellement si d’autres partis politiques, annoncés dans la presse, ont été agréés, leur présence dans les médias étant fonction de leur proximité du pouvoir : ils apparaissent et disparaissent au gré de leur utilité dans les objectifs du pouvoir.

L’Algérie a hérité dès l’indépendance de la fraude électorale initiée par Naegelen, gouverneur dans l’ordre colonial qui, en 1947, voulait bloquer le vote nationaliste traditionnel de la population. Il s’était rendu célèbre dans le monde entier par la fraude électorale, le trucage direct du scrutin, le bourrage des urnes. Depuis toutes les élections ont été truquées, celles de décembre 1991 ont été arbitrairement suspendues entre les 2 tours à cause de la victoire annoncée du FIS.
« Le peuple algérien n’a pas encore conquis le droit de décider de son destin, de ses choix électoraux par des élections libres. Détourner la volonté populaire est du gangstérisme politique. Les élections qui sont closes quant à leurs résultats avant d’avoir commencé, tournent au ridicule et à la mascarade. La fraude électorale massive est une vieille tradition coloniale amplifiée depuis l’indépendance du pays. Elle est bel et bien intégrée dans les mœurs politiques du pays, puisque celle-ci est au rendez-vous, à chaque scrutin. L’algérien donc ne peut avoir des droits, là où il n’est pas élevé d’abord à la dignité de citoyen et non de sujet. » (Ali Yahia Abdenour).
La LADDH a organisé à Alger (Fondation HEBERT) une table ronde en 2007 sur la question : « des élections libres sont-elles possibles en Algérie ? » et la réponse a été clairement négative compte tenu de l’ancrage de la fraude électorale, pilier du régime politique autoritaire sous façade démocratique.
Elle a récidivé en organisant une table ronde à Annaba en janvier 2009 à partir de l’article 21-3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote ».
Les questions posées ont été : Est-ce que la société civile a un rôle à jouer dans la tenue d’élections « honnêtes, libres, propres et transparentes » ? Faut-il laisser les partis politiques et l’Administration face à face pour gérer un processus électoral ? Les citoyens peuvent-ils faire confiance à ces deux partenaires pour que s’exprime la souveraineté populaire ?
Dans les réponses la question de l’état d’urgence a hanté le débat car cette calamité bloque la participation de la société civile aux réformes démocratiques.
« A chaque scrutin le scénario est le même : l’administration, censée jouer la neutralité, est mise au service de la participation au vote, alors que son rôle se borne à garantir de bonnes conditions pour le déroulement du scrutin. La dernière élection présidentielle n’a pas dérogé à la règle ».

Election présidentielle d’avril 2009, la fraude perpétuelle :Il est reconnu, que les plus importantes conditions requises pour la réussite des élections, c’est la présence de deux conditions primordiales : la liberté et la transparence. Aussi, est-il exigé, la présence de la liberté d’expression afin que le citoyen et les candidats soient à même d’exprimer leur choix sans la moindre crainte ou intimidation. Comme sera-t-il important d’un autre côté que la presse puisse jouir d’une liberté totale pour traduire les opinions loin de toutes pressions, afin de garantir la diffusion de la vérité sans falsification.
Or, les élections présidentielles du 9 avril 2009, les deux conditions étaient absentes. où les algériens ont assister à une véritable démonstration de force de la part des partisans du président candidats, qui, face à des candidats qualifiés par les observateurs de « lièvre », ont usé et abusé des moyens de l’Etat et de l’argent publics, pour faire la guerre à l’absentéisme, véritable enjeu pour le pouvoir.

Cette absence de transparence et de liberté, c’est manifestée d’une manière ostensible à travers la couverture médiatique de la campagne électorale faite par les médias publics et privés. Dans ce cadre, l’opération de monitoring des médias que la LADDH a mené et qui a concerné la télévision, la radio (chaine 1 et 3), et 11 titre de la presse écrite (privée et publique), a démontré par des données chiffrées, et par l’analyse du contenus du message médiatique, que la presse dans son ensemble a été complètement partielle, c’est-à-dire en faveur du président candidat. Plus grave encore, l’opposition qui a appelé au boycott, a été empêchée d’expression, et diabolisé d’une manière violente dans les médias publics. C’est ainsi qu’on a vu des Imams mobilisés pour promouvoir l’acte de vote, assimilé à un devoir religieux « sacré », et assimiler les opposants où les boycotteurs à des impies (mécréants) !!

-Les résultats de l’opération de monitoring :

1- La répartition de la matière médiatique sur les différents outils d’information : la superficie globale traitée pour la campagne électorale dans la presse écrite étudiée est mesurée à 402 952,94 cm², la presse écrite publique occupe à elle seule la part du roi. Il est observé que le plus grand pourcentage de la presse écrite concerne la presse publique, à sa tête le quotidien EL MOUDJAHID, alors que pour les medias audiovisuels, c’est la chaîne de télévisées qui se place en tête.

2- La présence de Bouteflika candidat indépendant égale à elle seule l’ensemble de tous les autres candidats réunis : la superficie occupée par les autres candidats réunis est évalué à 213 788 cm² au moment même où celle mesurée pour le candidat Bouteflika à lui seul est évalué à 206 187 cm². cela suffit pour clarifier que ce candidat occupe à lui seul la majorité des espaces dans la presse écrite privée et publique. Et si l’on était amené à additionner l’ensemble des espaces occupés dans la presse écrite par Bouteflika le candidat et le président, le résultat serait de 232 491 cm², chose qui veut dire que cette superficie consacrée à Bouteflika dépasse celle consacrée à l’ensemble des candidats de 18 703 cm². ceci nous donne une idée sur l’écart flagrant existant entre la présence du candidat Bouteflika dans la presse écrite et le reste des candidats réunis.

3- La tendance générale de la couverture médiatique est en majorité positive : cela constitue la preuve de la faiblesse du débat politique contradictoire entre les six candidats, de l’absence de l’opposition dans ce débat et la tendance unilatérale des medias étatiques, presse écrite, et audiovisuel au profit du président candidat.

4- La superficie occupée par les abstentionnistes aux élections est estimée à 3,23 % : elle représente dés lors le pourcentage le plus faible, car la somme de la superficie occupée dans la presse écrite par les partis politiques appelant à boycotter les élections est évaluée de 20 912 cm², cette superficie reste incomparable même à la plus faible des superficies qui a été consacrée au candidat Mohand Said Oubelaîd qui est estimée à 13 800 cm². Cela voudrait dire que la majorité des partis de l’opposition composés des partis du Front des Forces Socialistes- FFS, du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie- RCD, et le Mouvement El Nahda ainsi que quelques dirigeants du Front Islamique du Salut interdit et les différentes autres forces politiques, ont été censurés dans les des différents médias de l’information, et le peu des superficies qu’on leur a consacrées, spécialement dans les médias de l’information étatiques, n’ont existées que pour des fins manipulatrices par la diffusion de discours assimilant ces acteurs à des traîtres et à des mécréants.

5- Les différentes tendances de la couverture médiatique de la campagne électorale : le plus important pourcentage de la tendance négative était dans la presse écrite privée, cependant cela représente un infime degré. Contrairement à cela, les médias étatiques avaient traité le sujet d’une manière si positive à ne pas laisser place aux moindres critiques.

6- Les tendances de la couverture médiatique par rapport à chaque acteur : on a pu constater que le plus haut degré positif était attribué à Abdel Aziz Bouteflika le candidat, opposé à cela le plus haut degré de la tendance négative était pour l’opposition. Les medias publics en particulier avaient traité le sujet de l’opposition avec une grande négativité, alors que le champ d’expression pour les partisans de l’opposition fut verrouillé.
Les élections sénatoriales de décembre 2009 : Ont vue apparaître un élément nouveau étalé sur la place publique : l’achat des voix des élus-électeurs introduisant ainsi ouvertement la corruption dans le système électoral. Associée à la désignation par le Président de la République d’un tiers des sénateurs cette annonce aggrave la crédibilité d’une Institution dont la mission est déjà discutée. Le poste de sénateur est devenu une affaire rentable.

Il est actuellement clairement établi que, dans les conditions politiques actuelles, les élections ne peuvent pas être libres. Leur organisation est exclusivement entre les mains de l’Administration avec les apparences de commissions électorales inefficaces. A ce jour aucune contestation des résultats électoraux n’a eu des suites légales annulant un résultat. Lors d’une consultation récente un conflit public est apparu entre le Président de la Commission nationale de surveillance des élections (désigné le chef de l’Etat et en principe indépendant) et le Ministre de l’Intérieur : il n’a pas eu de suites.

« Il y a un fait indéniable : les Algériens ne s’intéressent pas aux élections telles qu’elles sont structurées et organisées. Les Algériens sont pourtant très politisés, pour ne pas dire sur politisés sur certaines questions. Pour eux, les jeux sont pipés. Le jeu électoral est fermé d’avance.(R.Tlemçani) »
Les médias et la liberté d’expression : D’une manière générale il existe un fort sentiment de recul, voire de négation, de la liberté d’expression. Ce sentiment de recul de la liberté d’expression est lié – quoiqu’en dise le discours officiel – au maintien de l’état d’urgence depuis février 1992. Il est lié à la pénalisation des délits de presse. Il est lié à d’autres facteurs politiques, et socio-économiques.

En dehors des médias « lourds », monopole absolu de l’Etat depuis l’indépendance du pays, (radios et télévision), le citoyen a maintenant accès à une presse écrite, multiple, diversifiée. De plus Internet a profondément bouleversé l’accès à l’information et à la culture, alors que le secteur de la télévision est maintenant « mondialisé » avec le foisonnement des paraboles dans le paysage algérien.

L’Etat algérien qui est, dans les textes juridiques en vigueur, à commencer par la Constitution révisée le 12 novembre dernier, un Etat de droit donne des garanties quant à la liberté d’expression. La Constitution énonce que « les libertés fondamentales et les droits de l’homme et du citoyen sont garantis » (Art.32, alinéa 1). Elle stipule aussi que « la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables » (Art 36). Et cette même Constitution énonce que « les libertés d’expression, d’association et de réunion sont garanties au citoyen » (Art 41). En théorie, un Etat qui est devrait être l’émanation de la souveraineté du peuple a tout intérêt à ce que la communauté des citoyens s’organise librement, en toute conscience pour s’impliquer dans la vie de la Cité. Donner son avis, suggérer, proposer…et œuvrer au final pour un Etat légitime.

Un Etat moderne et démocratique ne peut se passer d’un paysage médiatique qui jouit de la liberté d’expression, parce qu’il participe à la dynamique globale de ce même Etat.

La loi relative à l’information du 3 avril 1990 est l’instrument fondateur de la liberté de la presse. Elle est toujours en vigueur. Episodiquement, elle fait l’objet de critiques politiques. On lui reproche d’être « un code pénal bis ». Effectivement, cette loi contient 22 dispositions pénales, des dispositions classiques pour l’essentiel. Pourtant le gouvernement et le Parlement ont du (en 2001) amender le Code pénal (articles 144 et 144 bis) pour pouvoir punir les journalistes par l’emprisonnement et de lourdes amendes, principalement pour diffamation.

Aujourd’hui, l’Etat soutient la presse écrite en subventionnant le prix du papier chez les imprimeries publiques et en orientant la publicité. Il héberge encore des journalistes dans des sites sécurisés à Alger. Cette conception gouvernementale actuelle va à l’encontre de la protection de la liberté d’expression, et de la liberté de la presse en particulier. Le journaliste se trouve instrumentalisé par des privilèges qui l’obligent à l’auto censure alors que les « pigistes » vivent une situation sociale précaire qui les met sous la coupe d’éditeurs de journaux soucieux avant tout de profits tout en restant à proximité du pouvoir.

Aujourd’hui, la tâche de protection de la liberté d’expression est colossale La société civile organisée de façon autonome (et il existe des ilots comme les ligues des droits de l’homme, les syndicats autonomes…) doit défendre les médias qui défendent les libertés.

Elle peut aussi réclamer que l’audiovisuel public assure un véritable service public. Ce média lourd est financé par l’argent public sur lequel normalement les citoyens ont un droit de regard. Pourtant ces repères fondamentaux ne se traduisent pas automatiquement par l’exercice de ces libertés.

La réalité est que la radio, vecteur démocratique par excellence, reste depuis l’indépendance monopole exclusif de l’Etat. « L’air, qui pourtant appartient à tous, est la propriété exclusive de l’Etat. En clair seul l’Etat a le pouvoir de livrer au citoyen de quoi respirer » Cette situation est maintenant devenue intenable, le citoyen est asphyxié et la LADDH revendique avec force l’ouverture des médias publics et plus particulièrement l’espace radiophonique qui doit être librement accessible à tous et en tous lieux.
Par ailleurs en matière de liberté d’écriture, l’article 38 de la constitution Algérienne stipule : la liberté de création intellectuelle ; artistique et scientifique est garantie au citoyen ; les droits d’auteur sont protégés par la loi.

La mise sous séquestre de toute publication ; enregistrement ou tout autre moyen de communication et d’information ne pourra se faire qu’en vertu d’un mandat judiciaire. Pourtant la censure de plusieurs livres a été relevée, notamment lors du Salon du livre d’Alger de 2009, tels que Le Village de l’Allemand, de Boualem Sansal, Poutakhine de Mehdi El Djezaïri, et « tuez les tous » de Salim Bachi. Le ministère a interdit à cette occasion la diffusion de 1471 titres religieux. Aussi le gouvernement a poursuivi les restrictions de la couverture des médias internationaux des questions relatives à la sécurité nationale et le terrorisme. Si l’accès à Internet est « généralement libre », il faut relever des restrictions exercées sur certains programmes et forums ainsi que la surveillance stricte des e-mails. L’adoption d’une nouvelle loi sur la cybercriminalité qui établit des procédures contraignantes pour les utilisateurs des données électroniques aura des conséquences importantes sur le niveau d’information du citoyen.

Aujourd’hui Internet est un souffle d’oxygène pour le citoyen soucieux de s’informer. La LADDH suit avec attention les développements de la législation en matière de cyber criminalité. Encore une fois le terrorisme est invoqué pour justifier la censure qui se met en place.

La société civile organisée de façon autonome doit se manifester, autant que possible, chaque fois que le droit à l’expression est en jeu. Pacifiquement, par des pétitions, par des contributions dans la presse, par des rencontres publiques, séminaires et tables ronde, pour une sensibilisation des citoyens sur leurs droits. La LADDH milite et soutient toutes les actions susceptibles de mobiliser la société civile en vue de défendre son droit d’expression.
La société civile et les associations : Les libertés d’association et de réunion connaissent depuis plus d’une décennie une régression continue et un étouffement paralysant. Durant ces années, combien d’associations ont vu leurs demandes d’agrément refusées ?
Combien de partis politiques crées ont buté sur le mépris du pouvoir et l’arbitraire de l’administration ? Combien sont les syndicats autonomes et les associations de défenses des droits de l’Homme qui voient leur liberté de réunion entravée sous motif de l’état d’urgence où sous l’effet de l’humeur ambiante ?

Ces entraves, de plus en plus répétées, pèsent lourdement sur la vie associative algérienne et vident la vie publique de toute sa vitalité ; une vitalité pourtant nécessaire à l’organisation d’une société et à la construction d’alternatives à la base de la démocratie par la participation sociale.
Or, la Constitution algérienne et les principaux textes internationaux de protection des droits de l’Homme, garantissent et protègent la liberté d’association et de réunion. Ces textes la considèrent même comme une liberté indispensable à l’exercice des libertés d’expression, d’opinion et d’information. Ils la considèrent aussi comme un élément déterminant dans toute entreprise de réforme démocratique. Sans elle, point de démocratie ! A ce titre, elle constitue le baromètre de l’état des libertés fondamentales dans une société donnée.

Les dernières années ont été marquées par la multiplication des manifestations populaires de protestation et des revendications syndicales en particulier par les enseignants et les médecins du secteur populaire. Les grèves et les manifestations de rues ont été réprimées : elles sont de plus en plus dures malgré les pressions du pouvoir aidé par le syndicat officiel l’UGTA. La société a le droit de s’organiser, de manifester, de contribuer en dehors des structures de l’Etat et des partis politiques à la promotion de la société. Elle constitue un moteur puissant du développement de la société qui veut participer en tant qu’organisations au développement du pays. L’Etat a le devoir de l’aider dans ce sens. Or on assiste à son muselage et on observe que seules les associations satellites du pouvoir sont agréées et nourries malgré leur faible rendement à travers le Ministère de la solidarité qui assure la propagande du régime et du Président de la République.

La justice : Les cours de justice et tribunaux ne sont pas des lieux où la justice est rendue, mais des instances politiques où le pouvoir politique juge ses adversaires. La justice est monopolisée par le pouvoir, n’est que son ombre par sa soumission organique et fonctionnelle, le glissement d’une justice debout et assise, vers une justice à genoux et à plat ventre. Les jugements et arrêts ne sont pas des opérations de justice mais des actes de justice, dans des affaires politiques et d’opinion, en fonction des consignes données par le pouvoir, par ministre de la justice et services de sécurité interposés. Le problème de la dépendance de la justice au pouvoir est posé. Il faut le dire, même le crier, afin de le faire entendre. Il faut rendre à la justice sa dignité et son honneur. Il lui appartient de se mettre à l’heure de l’Etat de droit, de s’imposer par la compétence et l’honnêteté de ses juges, pour mériter le respect des citoyens.

Liberté de croyance, liberté de culte, protection des minorités : La loi de 2006 prévoit des peines de prison pour prosélytisme de la part de non musulmans et elle leur interdit de se rassembler pour prier en dehors des lieux approuvés par l’Etat. Les autorités ont refusé de nombreuses demandes soumises par des groupes chrétiens protestants pour utiliser des bâtiments pour prier, mettant ainsi leurs membres en danger d’être persécutés s’ils prient dans des lieux non autorisés.

Ce comportement est le signe inquiétant de l’expression d’un sentiment d’intolérance qui se manifeste pour de multiples prétextes. La LADDH a rappelé que la liberté de culte est garantie par la constitution, et à ce titre, il relève de la responsabilité de l’Etat de permettre l’exercice de ce droit en toute liberté et dans de bonnes conditions.

En 2008, la LADDH a organisé à Annaba une table ronde sur le thème de la protection des minorités linguistiques. Elle a apporté à cette occasion son soutien à la revendication de la défense de la culture Chaoui dans les Aurès, de la reconnaissance nationale et officielle de la langue tamazigh et de la reconnaissance du rite ibadite au MZAB.

L’immigration et la liberté de circulation  : Comme les pays du Sud de la méditerranée l’Algérie est confrontée à la fois par l’arrivée de migrants sub-sahariens et l’émigration clandestine vers le Nord par la mer dans des embarcations de fortune (HARRAGAS). La situation des familles de ces derniers est dramatique dans la mesure où de nombreux Harragas périssent en mer ou sont récupérés dans des prisons ou des camps de détention au Sud comme au Nord. La LADDH dénonce le programme FRONTEX établi par l’Union Européenne transformant la Méditerranée en mur infranchissable. Dans cette atteinte à la liberté de circulation la responsabilité incombe aux Etats du Nord et ceux du Sud incapables de prendre en considération les motivations humaines qui sous tendent le drame de l’émigration clandestine comme celui des « sans papiers » qui travaillent en Europe. Elle a d’ailleurs établi un programme de travail avec le Haut Commissariat aux réfugiés (UNHCR) et participe à un travail en profondeur au sein du Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) en vue de trouver une parade conforme au respect des droits de l’Homme face aux comportements autoritaires des Etats.

Conclusions : Enraciné dans l’universalité des droits de l’homme, le Président d’honneur de la LADDH , Maître Ali Yahia Abdenour, a publié en 2007 son livre-mémoire, « la dignité humaine ». Ce livre, outre la relation d’un parcours militant hors du commun digne des rares Justes que le pays a secrété, fait le point sur le long combat pour le respect de l’Homme dans sa globalité, l’Homme qui n’est ni une chose, ni un animal, ni une marchandise. Ce livre accompagne aujourd’hui les militants de la LADDH dans leur travail quotidien au sein de l’organisation.

La LADDH ( www.la-laddh .org) est à l’écoute des critiques émises envers notre pays par les ONG internationales comme les organisations institutionnelles des pays étrangers chargées de l’observation de la situation des droits de l’homme dans le monde. La plupart des rapports publiés (qu’on peut consulter sur Internet) la conforte dans sa perception de l’état des droits de l’homme en Algérie.

Ainsi à la veille du congrès de la LADDH le Département d’Etat des USA (http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2009/nea/136065.htm) publie un rapport sévère qui épingle l’Algérie sur l’état des libertés. Nous estimons qu’elle est encore en deçà de la réalité que ne reflètent pas toujours nos médias nationaux.

Algeria-watch (algeria-watch.org) qui réalise une remarquable revue de presse sur les droits de l’homme en Algérie publie régulièrement un rapport sur leur situation qui dénonce vigoureusement les nombreux dépassements.

HRW (http://www.hrw.org/fr/world-report-2009/alg-rie) a conclu son rapport 2008 sur l’Algérie en accusant les autorités de « rejeter systématiquement les demandes formulées dans le cadre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, relatives à des visites par les rapporteurs spéciaux sur la torture, sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, ainsi que par le groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.

Amnesty International (www.amnesty.org) a publié un rapport sur la culture de l’impunité : « le gouvernement n’a pris aucune mesure pour tenter de remédier aux atteintes flagrantes et massives aux droits humains commises par les groupes armés et les forces de sécurité lors du conflit interne des années 1990, au cours duquel près de 200 000 personnes ont été tuées. »

La FIDH (www.fidh.org) a régulièrement relayé les protestations des ONG algériennes de droits de l’homme. En particulier en 2010, dans une lettre ouverte, elle a attiré l’attention des ministres des affaires étrangères de l’union Européenne signée par toutes les ONG membres du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) en faisant part de leurs graves préoccupations quant à la situation des droits de l’Homme en Algérie.

Il faut bien reconnaitre que les ONG basées à l’étranger qu’elles soient étrangères ou algériennes ont une liberté de ton qui leur permet une analyse critique souvent sévère de la situation des droits de l’homme dans le pays.

La LADDH quant à elle reste déterminée à poursuivre sa tâche de défense et de promotion des droits de l’Homme, universels, condition du développement, de l’instauration de la démocratie et de la construction d’un Etat de droit qui abolit l’arbitraire et l’abus de pouvoir.