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L’Algérie a besoin de construire une alternative démocratique et non une alternance au pouvoir, par Maître Ali Yahia Abdenour

L’alternance, qui est la rupture avec le système politique dans son intégralité, qui doit être remodelé en profondeur, implique des ententes sur une base politique.

En revanche, l’alternative passe par la réalisation de convergences démocratiques autour d’un projet global de transformation sociale et sociétaire.

L’Algérien ne peut avoir des droits là où il n’est pas d’abord élevé à la dignité politique de citoyen

Les Algériens se sont battus contre l’oppression et la répression de la colonisation, pour la démocratie, la liberté et la justice, et les voilà revenus à la case départ où les a cantonnés le colonialisme, celle de sujets sans droits.

L’expérience de l’histoire réside dans le fait que sous la colonisation, seuls les colons et la minorité européenne étaient en fait, comme en droit, dans la démocratie, les Algériens étaient en dehors. L’armée française, persuadée que seule la supériorité militaire et technologique compte dans la guerre, a sous-estimé les éléments historiques, culturels, idéologiques, religieux et humains utilisés par la révolution algérienne. L’histoire de la culture apparaît en Algérie, comme une lutte pour s’emparer de la connaissance, comme une décision politique justificatrice, à son tour, de la permanence du patriotisme, devenu une dimension dominante avant comme après l’indépendance du pays, comme un sentiment de dignité qui a motivé la résistance du peuple algérien à l’occupation coloniale.

L’Algérie indépendante est la copie de l’Algérie coloniale

Le système politique qui a pris le pouvoir en 1962 pour servir le peuple algérien, rétablir la souveraineté du peuple et la citoyenneté pour l’Algérien, s’est conduit comme la France coloniale s’est conduite, guidée par la cécité politique des colons, en soutenant et en appliquant le principe qu’on peut être national, Algérien, sans être citoyen, mais seulement sujet. Les faits parlent d’eux-mêmes et dispensent de tout commentaire.Le président Abdelaziz Bouteflika, qui est un pur produit de ce système, ne fait que le gérer, le conserver. La seule source du pouvoir n’est pas pour lui le peuple, mais le système politique.

Les élections locales du 29 novembre 2012 : les fraudes électorales décrédibilisent les élections et démobilisent les électeurs.

Elles déforment le suffrage universel et la vérité électorale ainsi que les pratiques qui faussent les scrutins et le libre choix des électeurs. Tout pouvoir qui n’émane pas de la souveraineté populaire librement exprimée par des élections libres, propres et honnêtes est illégitime et engendre le totalitarisme. La priorité est de rétablir la vérité des urnes. Le scrutin, quand il est libre est une vitrine de la démocratie.

Le schéma qui a prévalu lors des élections législatives du 10 mai 2012, s’est répété pour les élections locales. Rappeler aux Algériens que voter est un acte citoyen ne les concerne pas, car ils ne sont que des sujets. Le pouvoir a apprivoisé des partis politiques, les a intégrés, leur a fait jouer le rôle de simples figurants, pour lui servir de caution et de faire-valoir. Les acteurs politiques sont pris dans ces élections dans un engrenage qui a vidé de tout sens politique leur action. L’hypercentralisation d’un autre temps a écarté tout débat sur les codes communal et de wilaya. La vie politique est déconsidérée. Il faut sortir de ce cercle vicieux, avec la politique on peut faire de l’argent, et avec l’argent on peut faire de la politique.

Le ministre de l’Intérieur s’est fait un nom, il ne lui reste plus qu’à se donner un prénom.

Il s’est discerné un brevet de bonne conduite électorale. A chaque élection il élargit son champ d’expérience. Il a fixé le taux de participation aux élections locales, 40 à 45 % du corps électoral, comme le prestidigitateur sort un lapin de son chapeau. La stratégie électorale est bien rodée, le taux de participation qu’il a annoncé quelques jours avant les élections, s’est pleinement réalisé. Il n’a fait que doubler le taux de participation, qui est en réalité pour toutes les élections, dans une fourchette de 18 à 23%. Cela me rappelle les élections à l’Assemblée algérienne d’avril 1948 avec le FLN qui remplace la minorité européenne majoritaire aux élections, et les « béni-oui-oui » qui ne sont que les autres partis du pouvoir.

Dans Relations et solitudes, Ichnitzer écrit : « Il y a trois sortes d’hommes politiques, ceux qui troublent l’eau, ceux qui pêchent en eau trouble, et ceux, plus doués, qui troublent l’eau pour pêcher en eau trouble. » Le ministre de l’Intérieur appartient à cette dernière catégorie. Les électeurs sont troublés par le trouble causé par le ministre de l’Intérieur pour son sondage hors du commun et par l’engagement trouble des partis qui égrènent les irrégularités récurrentes des élections.

La fraude électorale s’est démocratisée, des partis s’accusent les uns les autres, d’avoir fraudé, achètent des postes de président d’APC ou d’APW. Ne pas respecter les règles d’une élection propre, c’est s’attendre à une grande désaffection de l’électorat, à une abstention record. Il y a un seul vainqueur dans cette mascarade électorale, le pouvoir, qui se consolide. Les élections locales dignes du parti unique et de la pensée unique, sont une victoire à la Phyrrus sans risque et sans gloire, pour les partis du pouvoir dont le seul objectif est d’avoir le plus d’« élus ».

Comment faire fonctionner des APC ou des APW, où les maires et les présidents d’APW ont été désignés par des coalitions de partis au pouvoir, le FLN et le RND, et des partis de la mouvance démocratique qui ne sont pas des opposants au pouvoir, mais des opposants du pouvoir ? La finalité pour les APW est la désignation des sénateurs dans les prochains jours. L’opération sera téléguidée par le pouvoir. L’empereur Caligula a bien nommé sénateur son cheval. Il n’ y a pas eu de surprises pour les élections locales, tout a été prévu d’avance. Il faut graver dans la mémoire des Algériens les noms de ceux qui ont trafiqué ces élections. Pourquoi se référer à Haegelen ou Guy Mollet, nous avons nos nationaux qui les ont dépassés et qui méritent de rentrer dans l’histoire. Les élections législatives et locales préparent la révision de la Constitution et l’élection présidentielle d’avril 2014.

Le pouvoir n’est pas celui des visionnaires ou des réformateurs

Après 13 ans de règne, le Président conduit le pays vers le statu quo contre lequel il faut lutter. La vie politique est gérée par un pouvoir où les clans qui le composent sont favorables à leurs intérêts et à ceux qu’ils représentent, ce qui élimine l’humain au profit de l’argent sans foi ni loi. Les détenteurs du pouvoir ne sont pas disposés à partager les richesses du pays, particulièrement la rente pétrolière. La corruption qui a atteint la cote d’alerte, a un rôle politique, car elle est l’instrument majeur pour garder le pouvoir. Un clan prédateur pille en toute impunité le pays. Le pouvoir, qui a inscrit la lutte contre la corruption parmi ses priorités, est le havre des dirigeants corrompus qui ne peuvent plus rien cacher de ce qu’ils sont, ni de ce qu’ils font. La justice minée par la corruption, cède à l’interventionnisme des puissants qui exigent l’impunité totale pour l’un des leurs poursuivi ou susceptible d’être poursuivi en justice pour corruption. Du magistrat corrompu, c’est la robe qu’on salue.

Que fait le pouvoir pour trouver des solutions aux maux et fléaux qui assiègent la société

Les clans du pouvoir s’échinent à démontrer à ceux qui ne le savent pas encore, que Bouteflika est l’homme d’Etat et de pouvoir que le monde entier leur envie. Bonjour la brosse à reluire.Le pouvoir a démontré son inefficacité non seulement dans le domaine des libertés, mais aussi dans celui de l’économie et du social, où tous les indicateurs sont à la hausse, au rouge : chômage important, la proportion des jeunes à la recherche du travail s’est aggravée et la part des diplômés ne cesse d’augmenter. Le chômage est un drame humain doublé d’un désastre économique. Les grands indicateurs économiques et sociaux sont :
inflation galopante, dinar faible, hausse des prix à la consommation, pouvoir d’achat en chute libre. La situation sociale de millions d’Algériens est réduite à la pauvreté et à la précarité. Instruire, nourrir, guérir sont des verbes que le pouvoir ignore.

L’Algérie a perdu sa souveraineté alimentaire

Le pays n’est pas resté à la hauteur de sa vocation agricole. Depuis des dizaines d’années la géographie rurale est en plein changement, la perte des terres agricoles, de par, notamment, l’urbanisation sauvage qui s’est développée, se chiffre à près d’un million d’hectares. La corrélation entre perte de territoire agricole et production agricole, n’a cessé de s’aggraver. La perte continuelle de terres agricoles amène l’Algérie à dépendre plus de l’étranger pour l’approvisionnement des ressources alimentaires. La réduction du territoire agricole a pris une ampleur dont on constate de plus en plus les dégâts. Il apparaît avec évidence, qu’après 13 années de pouvoir totalitaire qui n’a fait que se renforcer, la défense de la démocratie, de la liberté et de la justice, le respect des libertés individuelles et collectives, restent la priorité de tout renouveau politique et un préalable à la réalisation des grandes options de la société. Les militants des droits de l’homme dénoncent chaque jour le climat de surveillance, de contrôle et de répression, qui pèse sur nos libertés.

L’avenir appartient à ceux qui le préparent et le font

Il n’y a pas de démocratie vivante sans contre-pouvoirs et le premier d’entre eux est l’opposition politique pour construire une Algérie démocratique plurielle, solidaire et humaniste. Le changement ne viendra pas de l’intérieur du pouvoir, mais de la société. Les rumeurs étalées sur la place publique se focalisent sur les intentions prêtées à chacun des deux camps au sommet du pouvoir et à ceux qui leur donneront aide et assistance pour réussir. L’Algérie bruisse de rumeurs, un 4e mandat pour Bouteflika ce n’est pas sérieux, une succession dynastique n’est pas à retenir, mais celle d’un dirigeant du clan présidentiel semble posée. Le clanisme n’est que l’autre face du tribalisme qui ne reconnaît que l’intérêt de ses membres.

L’alternance, qui est le droit souverain du peuple à choisir ses représentants au niveau de toutes les institutions élues de l’Etat, par des élections libres et transparentes, ne s’est pas réalisée depuis l’indépendance du pays. Elle reste d’actualité. Tous les Algériens et Algériennes qui partagent les mêmes valeurs démocratiques et poursuivent les mêmes objectifs, la souveraineté du peuple, la qualité de citoyens, la démocratie, la liberté et la justice doivent se rassembler pour amorcer une nouvelle dynamique de construction démocratique de la société. Quand on a fait le même constat, il faut mener le même combat. Pour s’opposer au pouvoir, il ne faut pas se présenter en ordre dispersé, mais se rassembler. Il ne faut pas attendre passivement une évolution de la situation, mais la provoquer, afin que l’action ait un grand écho, une adhésion enthousiaste de la population.Que les Algériens et les Algériennes qui se reconnaissent dans les valeurs démocratiques se rejoignent et se mobilisent pour le changement.

- Le rassemblement concerne le mouvement syndical et associatif Les syndicats autonomes sont une force motrice. La valeur travail est une vertu cardinale, un impératif social. Les mouvements sociaux doivent se transformer en un mouvement de grande ampleur sous l’égide des syndicats autonomes. Le repli sur soi, comme l’a fait dans le passé chaque syndicat, est de l’irresponsabilité. Il faut chercher à agréger les forces différentes, sinon divergentes, autour de la démocratie et marcher ensemble avec ce que chacun peut apporter de positif. Il faut appeler à un pacte historique, à un contrat politique entre les forces démocratiques, pour réaliser l’alternative au système politique.

La représentation féminine dans les instances politiques de l’opposition doit-être très importante. Jeunes Algériens qui traduisez une aspiration très forte et très profonde au refus du totalitarisme, faites-vous entendre du paysage politique et médiatique, pour favoriser une issue démocratique.

La communication est la pédagogie de l’action politique. Et quand nous aurons mis le train de la démocratie sur les rails, nous tendrons les mains pour aider ceux qui voudront le prendre en marche. Il faut des femmes et des hommes de conviction, car sans volonté politique forte, il n’y a pas d’action.

Ali Yahia Abdennour : avocat et militant des droits de l’homme