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La pénible condition des handicapés Algériens

L’Algérie compte près de deux millions de handicapés qui sont « très mal pris en charge » par l’Etat n 90% des articles de la loi portant sur la prise en charge des handicapés ne sont pas accompagnés de textes d’application.

La Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme (LADDH) plaide pour l’amendement de la loi 02/09 portant sur la protection et la prise en charge des personnes handicapées. Dans une conférence organisée hier par la LADDH, à Alger, des représentants d’associations créées par des handicapés de différentes catégories ont dénoncé « les discriminations » dont les handicapés font l’objet en matière d’accès à l’emploi, au logement et à la scolarité.

Krimou Madi, militant des droits de l’homme, représentant les handicapés à cette rencontre, a énuméré les contraintes rencontrées par cette frange de la société, « réduisant les chances d’insertion ». C’est dans le secteur de l’éducation que le drame est vécu. Des élèves handicapés se trouvent privés de scolarité, par manque de moyens nécessaires. « Moi-même, j’ai commencé ma scolarité à l’âge de 16 ans », révèle le conférencier qui est actuellement diplômé et travailleur. « Les enfants handicapés n’ont pas les mêmes chances de réussite que les autres. C’est à eux de fournir les équipements nécessaires, comme une table appropriée à son type de handicap, ceci dans le cas où il trouve une école qui accepte de le scolariser », ajoute M. Madi.

Dans ce sens, Me Boudebbouz, militant des droits de l’homme, souligne que plusieurs pères de famille ont saisi la LADDH pour dénoncer le refus de certains chefs d’établissements scolaires d’inscrire leurs enfants handicapés. « Le droit à la scolarité pour tous est bafoué, dans l’impunité totale », souligne le même juriste. Aussi, l’absence de moyens de mobilité, pour les handicapés dont les familles sont à revenus modestes, contraint ces derniers à abandonner leur combat. « Les parents sont livrés à eux-mêmes. » Le manuel scolaire en braille reste un point noir dans la gestion de la scolarité des élèves handicapés. « Il n’y a aucun livre en braille destiné aux lycéens non-voyants, alors que les épreuves du bac sont disponibles en braille depuis quelques années. »

Droits bafoués

« L’Algérie dispose pourtant d’une imprimerie d’une capacité de publication de 1,7 million de livres/an en braille, doté d’un budget de 25 milliards de dinars », révèle Yacine Mira, président de l’Association nationale des non-voyants. Ce dernier dénonce l’absence de moyens dédaliques modernes à l’université. « Il n’y a aucun ordinateur destiné aux non-voyants dans les structures de l’enseignement supérieur, encore moins de place de parkings ou d’escaliers pour personnes à mobilité réduite », souligne-t-il.
L’Etat tourne le dos aux handicapés, en omettant de mettre en place les textes d’application du décret 02/09 de mai 2002, portant sur la prise en charge des handicapés, qui se veut une ratification décidée par le président Bouteflika des conventions onusiennes s’occupant de cette frange de la population.

« Nous ne voulons pas de loi pour acheter la conscience collective. Nous voulons juste l’application de ces textes, nous permettant de jouir de nos droits et de mener une vie normale. » 90% des articles de ladite loi ne sont pas accompagnés de textes d’application. Ce qui rend la bonne intention du législateur obsolète devant le dilemme vécu au quotidien par ces personnes qui ne disposent pas de moyens de déplacement en ville, ni d’espaces de stationnement, encore moins de conditions leur permettant d’obtenir les mêmes chances de réussite que leurs « concitoyens valides ».

Un quota de 1% dans les institutions élues

Pour Mouhoub Bouseksou, président de l’association Ibtissama pour les non-voyants, des contradictions dans des dispositions de la loi sur la prise en charge des personnes handicapées ont été relevées. L’exigence de 18 ans d’âge pour le versement de la pension d’aide est contradictoire avec le principe de la solidarité qui doit être appliqué également sur les moins de 18 ans. « Cette pension, versée à titre de solidarité, est supprimée dès le recrutement du bénéficiaire, alors que le montant est, selon la loi, censé compenser les désagréments liés à la mobilité réduite et aux besoins spécifiques de ces personnes nécessitant plus de dépenses », explique le même conférencier. Dans ce sens, une attention particulière s’impose pour la refonte des dispositions liées à la création et à la gestion du fonds de la solidarité, préconise le même conférencier.

Dans ce sens, il faudrait revoir le caractère de la pension accordée aux handicapés, revêtant actuellement une couleur sociale, alors qu’elle devrait être à titre de compensation. « Nous dépendons aujourd’hui de donations des associations pour la prise en charge des besoins spécifiques des écoliers, alors que l’Etat devrait être responsable de ce volet », soutient M. Bouseksou. Aussi, en matière d’insertion professionnelle, les associations dénoncent l’ignorance des clauses stipulant l’obligation de recrutement de travailleurs handicapés à hauteur de 1% de l’effectif employé. « Les employeurs prétextent toujours préférer verser une indemnité au fonds de la solidarité que de recourir à des employés handicapés pourtant compétents et dont l’invalidité ne nuit pas au poste à pourvoir. C’est de la pure discrimination qui reste impunie », s’insurgent les représentants des associations présents à la conférence de la LADDH. Les associations ont aussi soulevé l’exclusion de personnes handicapées aux candidatures aux différentes élections.

« Plusieurs partis ont refusé, sans aucun prétexte, les candidatures de personnes handicapées. C’est aberrant », explique M. Aït Ahmed, invité de la LADDH. En conclusion, les conférenciers plaident pour un quota de 1% d’élus handicapés aux institutions élues telles que l’APN et l’APC. « Personne ne peut présenter nos doléances et défendre nos droits mieux qu’un handicapé. C’est grâce au système de quotas que les femmes ont réussi à se faire représenter dans les partis politiques. Cette approche est la plus appropriée pour nous défendre », résume M. Madi. Mme Naïli Djabria, secrétaire générale de la LADDH, a annoncé par la même occasion que la Ligue a ouvert « le dossier de la révision des textes liés à la prise en charge des handicapés ». L’Algérie compte près de deux millions de personnes handicapées, selon les statistiques fournies en 2010 par le ministère de la Solidarité nationale.-

Fatima Arab
Elwatan 04 12 02012