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La présidence annonce un départ anticipé du président Bouteflika

Une page est en train de se tourner en Algérie. Lundi en fin d’après-midi, un communiqué de la présidence de la République a annoncé qu’Abdelaziz Bouteflika démissionnerait avant l’expiration de son mandat, le 28 avril.

Toute la journée, les rumeurs les plus folles ont circulé dans la capitale algérienne. La rue craignait même un coup de force de l’armée, alors que des fake news évoquaient la fuite des proches du président vers Dubaï ou un coup d’État en préparation. Une ambiance paranoïaque nourrie par l’accélération des événements de ces derniers jours.

D’abord le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah – qui n’a pas été entendu le 26 mars quand il a appelé le Conseil constitutionnel à activer l’article 102 de la Constitution pour destituer le président pour cause de maladie grave – a organisé une réunion inédite, samedi, avec plusieurs commandants pour réitérer solennellement son appel, dénonçant une mystérieuse réunion de « parties malintentionnées » !

De qui parlait-il ? Le patron de l’armée s’est retrouvé au centre d’un jeu dont les acteurs se sont peu à peu dévoilés. Alors que, et pour la première fois depuis le début des marches gigantesques il y a six semaines, son départ a aussi été exigé par les manifestants, Ahmed Gaïd Salah s’est vu doublé par les anciens des services secrets et l’ancien président, resté populaire, l’ex-général Liamine Zeroual, qui ont tenté, de leur côté, de forcer la main à Bouteflika pour qu’il lâche le pouvoir. Car les deux parties ont des agendas différents. Alors que le chef d’état-major, pilier du régime Bouteflika, cherche à se refaire une virginité, ses adversaires voudraient mener une transition à leur manière.

« Si Bouteflika part, Gaïd Salah sait qu’il est le suivant, c’est le ticket partant. Le chef de l’armée a beau tenter de répéter qu’il veut répondre aux demandes du peuple en exigeant l’article 102, il n’en demeure pas moins un élément central du régime Bouteflika », commente un haut fonctionnaire.

Mais jusqu’à ce week-end, les rapports de force au sein du système semblaient imposer le statu quo : la nomination d’un gouvernement dimanche soir, après trois semaines de désespérantes et harassantes consultations, indiquait que le cercle présidentiel s’enfermait dans l’entêtement. Des sources proches de la présidence assuraient que le chef de l’État était décidé à appliquer sa feuille de route annoncée le 11 mars au retour de son hospitalisation à Genève, avec un prolongement du mandat et des mesures transitoires sur plusieurs mois.

Oligarques sous contrôle

Mais la pression de la rue et, surtout, l’effritement accéléré de son cercle d’allégeance et d’obligés a joué un rôle décisif. Car lundi, le Parquet d’Alger annonçait qu’une dizaine d’oligarques, réputés proches du frère cadet de Bouteflika, Saïd, étaient interdits de quitter le territoire, à l’instar des frères Kouninef (hommes d’affaires puissants, très proches des Bouteflika), Takhout (à la tête d’un groupe de transport urbain et d’une télé) ou Baïri (ex-vice-président du FCE dans l’importation de voitures).

D’ailleurs, l’un des businessmen ciblé par cette liste, Ali Haddad, qui a démissionné ce week-end de la présidence du plus grand syndicat patronal, a été interpellé par les autorités alors qu’il tentait de franchir la frontière tunisienne dans la nuit de samedi à dimanche.

Délaissés par l’armée, par les représentants de l’État profond (présents dans l’armée, la police, l’administration) pourtant leurs alliés politiques, et conspués par la population chaque semaine, les Bouteflika ne pouvaient tenir plus longtemps. Jusqu’au très obéissant quotidien gouvernemental « El Moudjahid », qui écrivait lundi dans un surprenant éditorial : « La proposition de l’Armée nationale est la seule qui offre une sortie de crise claire et convaincante » !

Dans la forme, le président sortant tente d’imposer, en un dernier geste souverain, son propre plan de transition. Le communiqué officiel annonçant sa prochaine démission précise que Bouteflika devrait prendre d’« importantes mesures pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’État durant la période de transition ».

Pour Moumène Khelil, militant de la Ligue algérienne des droits de l’homme, « la transition dans le système est actée. Le système est plus grand que Bouteflika. Mais le peuple algérien est plus grand que le système ».

(TDG)

Créé : 01.04.2019, 22h26