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Le président français n’a prévu aucune rencontre avec la société civile:Visite de François Hollande : les militants algériens critiquent le soutien de Paris au pouvoir

François Hollande est attendu mercredi prochain à Alger pour une visite d’État de deux jours. Un sujet est absent des préparatifs : les droits de l’Homme. En Algérie, le président français n’a prévu aucune rencontre avec la société civile. La visite ne suscite pas beaucoup d’attentes au sein de la société civile et des organisations des droits de l’Homme. Depuis son élection, Paris n’a jamais formulé la moindre critique à l’égard d’Alger sur la question. Pourtant, depuis mai dernier, les arrestations et les intimidations contre les militants se sont multipliées. Certaines lois, votées dans le cadre des « réformes politiques », marquent également un recul en matière de libertés.
« Tout l’Occident mise sur le mauvais cheval, c’est‑à‑dire le pouvoir », explique Yacine Zaïd. Ce blogueur et militant de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh), arrêté et malmené à plusieurs reprises par les forces de sécurité ces derniers mois, dit ne pas attendre « grand‑chose » de la visite de François Hollande.

Tahar Belabès du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) est du même avis. Pour lui, la France, tout comme les État‑Unis, a des intérêts avec le « régime ». « On n’attend rien d’eux, ils ont plus d’intérêts avec ce système qu’avec le peuple », dit‑il. Selon lui, le régime algérien tire sa « légitimité » des « investissements étrangers et du soutien des États étrangers et non du peuple algérien ». Même son de cloche chez les féministes. « Ils s’en foutent que l’Algérienne soit émancipée ou pas. Ce qui les intéresse, ce sont les contrats Renault et autres », affirme Yasmina Chouaki de l’association Tarwa n’Fadhma n’Soumer.

Interpeller la France « encore et encore » sur les droits de l’Homme

Mais même s’ils estiment que la France « a toujours été un soutien au régime algérien », les militants ne veulent pas baisser les bras. À l’image de Khelil Moumène, de la Laddh et secrétaire général de l’Association nationale de lutte contre la corruption (non agréée). « Cela ne nous empêche pas de l’interpeller [la France, NDLR] encore et encore sur les questions qui concernent la promotion des droits de l’Homme », dit‑il. Ce militant souhaite un engagement « beaucoup plus franc et clair » en faveur de la promotion des libertés publiques en Algérie de la part du gouvernement français. Il met en avant « le rôle de ce pays au sein de l’Union européenne, qui est le principal partenaire de l’Algérie ». Khelil Moumène cite l’article 2 de l’accord d’association avec l’UE qui « conditionne la promotion des relations politiques et économiques avec l’Algérie par le respect des droits de l’Homme ». « En tant que société civile, ce point‑là est fondamental dans notre approche », ajoute‑t‑il.

Malgré l’importance accordée à cette question dans l’accord d’association avec l’UE, les intérêts économiques des États prennent toujours le dessus dans leurs relations avec l’Algérie, selon les militants. « On a constaté depuis des années que les gouvernements européens en général privilégient leurs intérêts économiques au détriment des questions des droits de l’Homme et du respect des libertés », estime Abdelwahab Fersaoui, président du Rassemblement action‑jeunesse (RAJ). Ces gouvernements ont souvent « cautionné des réformes qui ne sont pas en faveur du respect des droits de l’Homme », poursuit‑il. C’est pour cela qu’il espère voir toutes ces questions mises en avant dans les prochains accords bilatéraux entre les deux pays. « On ne peut pas construire un partenariat économique fort sans démocratie et sans droits de l’Homme », dit‑il.

Les espoirs des familles de disparus

Nassira Dutour, présidente du Collectif des familles de disparus, a récemment rencontré un conseiller du président Hollande à l’Élysée. Elle avait formulé une demande d’audience avec le président français et avait établi un rapport d’une dizaine de pages sur les violations des droits de l’Homme et les réformes annoncées par le président Abdelaziz Bouteflika. « On a expliqué que s’ils venaient en Algérie pour négocier des marchés, il ne fallait pas oublier la question du respect des droits de l’Homme ». « Et qu’ils ne nous parlent pas d’ingérence quand il s’agit de droits de l’Homme, je ne demande à personne de s’ingérer dans les affaires internes du pays, c’est clair », ajoute Mme Dutour. Elle rappelle que l’Algérie est signataire de plusieurs conventions et de pactes internationaux. « Il faut donc déjà les faire respecter », insiste‑elle.

Sur la question des disparitions forcées lors des années 1990, Nassira Dutour voudrait que les Français soient « porteurs d’un message ». « Ce message est le suivant : on veut la vérité, que la justice soit rendue, et non la vengeance », explique‑t‑elle. Lors de son entretien avec le conseiller de François Hollande, Mme Dutour était accompagnée du responsable du Syndicat national autonome du personnel de l’administration publique (Snpap), et d’un représentant du Réseau euro‑méditerranéen des droits de l’homme. Elle a demandé une rencontre entre la société civile et M. Hollande. « On nous a dit que le programme [du président français en Algérie, NDLR] n’était pas bouclé. Il voulait voir la jeunesse algérienne, les autorités lui ont proposé Tlemcen ! »