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Le procès de Karim Tabou : l’effondrement des garanties institutionnelles qui protègent les droits de l’Homme

Le militant politique Karim Tabbou est emprisonné à la prison de Koléa sur la base d’une décision sans procès qui a été rendue par la cinquième chambre d’Alger le 24 mars 2020. Émise dans des circonstances extraordinaires, cette décision prévoit le prolongement de la peine de Tabbou à un an de prison alors que le tribunal de Sidi M’hamed avait exigé six mois d’emprisonnement ferme, une peine qui aurait été complétée le 26 mars 2020.

Or, l’état de santé de Karim Tabbou nécessite des soins de santé urgents et permanents. Il souffre d’une paraplégie partielle en raison d’un problème de santé survenu lors de son procès. Selon les témoignages de plusieurs avocats qui lui ont rendu visite, Karim Tabbou ne reçoit pas à la prison de Koléa les soins nécessaires à sa pleine prise en charge.

La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), tout comme plusieurs organisations nationales et internationales de défense des droits de l’Homme et des bareaux d’avocats, a demandé l’ouverture d’une enquête sur les violations nombreuses et graves sur lesquelles se fonde le prolongement de la peine de Karim Tabbou. Ces violations touchent à un principe essentiel des droits de l’homme, celui d’avoir le droit - dans tous les cas et toutes les circonstances- à un procès équitable.

La Ligue rappelle que ces principes sont inscrits dans la constitution algérienne et clairement stipulés dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Parmi les violations enregistrées :

- Le refus de reporter le procès malgré la demande de Karim Tabbou et l’incapacité de la défense à assister au procès.
- La non-prise en compte du problème de santé de Karim Tabbou et la poursuite de la procédure judiciaire en son absence.
- Le fait de statuer sur l’affaire par une décision de justice bien que l’accusé soit emprisonné.

Contrairement à ce qui a été attendu, la Ligue a été étonnée par la campagne et les positions des instances officielles qui valorisent et adoptent les décisions en dénaturant les faits et en sortant les articles juridiques de leur contexte. L’exemple de l’article 347 du Code de pénal sur lequel ont été fondées les accusations sur Tabbou ne s’applique pas à un détenu mais à un accusé libre. On voit ainsi l’étrange justification mise en avant par ces institutions. La position du Conseil national des droits de l’Homme est choquante et suscite de nombreuses questions sur sa crédibilité en tant qu’institution de protection des droits humains :

- La Ligue s’étonne de l’immixtion rapide du Conseil des droits de l’Homme dans cette affaire, et le fait qu’il s’appuie uniquement et exclusivement sur les déclarations de l’administration. Ceci est en contradiction avec les Principes de Paris relatifs à l’indépendance des institutions nationales des droits de l’Homme qui stipulent la neutralité et l’indépendance.

- Le Conseil fait fi d’ignorer les circonstances de la programmation du procès du militant politique Karim Tabou. L’intéressé et sa défense ne connaissaient pas la date du procès à l’avance. Ils l’ont su le jour même. Et cela en programmant le procès en appel avant même la préparation du jugement qui été l’objet de l’appel. De plus, cette mesure ne respecte pas les instructions du ministère de la Justice concernant les mesures de protection et de prévention contre le Coronavirus publiées le 16 mars.

La Ligue estime que la négligence de la part des institutions officielles des violations graves commises lors du procès de Karim Tabbou viole un ensemble de principes fondamentaux des droits de l’homme.

Ces violations marquent une rupture avec les garanties nationales qui protègent les droits de l’homme. Elles ouvrent la voie à une série de nouvelles violations qui consacrent la politique de l’impunité.

Algérie, 27 mars 2020
Le Président
Noureddine Benissad