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Mohamed Smaïn : « En Algérie, dès qu’on franchit le seuil de la prison, on est dans un autre monde »

ncarcéré du 19 juin au 5 juillet derniers, le militant des droits humains Mohamed Smaïn a tenu mardi à Alger une conférence de presse en présence du président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, Ali Yahia Abdenour. Décrivant les conditions de détention « indignes » dans l’annexe de la prison Relizane, il a appelé à une grande mobilisation pour dénoncer le système carcéral algérien. Il a également réitéré son engagement à se tenir aux côtés des familles de disparus qui ont repris leurs rassemblements hebdomadaires après un arrêt forcé de deux ans.

« Je n’ai pas subi une arrestation mais un enlèvement », a tenu à préciser Mohamed Smaïn, militant des droits humains incarcéré du 19 juin au 5 juillet derniers, à l’ouverture de la conférence de presse qu’il a animée aujourd’hui à Alger, en présence du président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, Ali Yahia Abdenour.

Condamné en 2002 à deux mois de prison pour avoir dénoncé dans les journaux des crimes commis par les milices d’autodéfense opérant dans la wilaya de Relizane dans les années 1990, notamment des enlèvements et des exécutions sommaires, cette figure de la lutte contre les disparitions forcées a été embarqué le 19 juin 2012 par une voiture de police alors qu’il rentrait chez lui. « La portière s’ouvre et les policiers m’intiment l’ordre de monter. Je me suis plié à leur injonction sans protester car ils étaient équipés et déterminés. » Présenté devant le procureur général, on lui a reproché de ne pas répondre à une convocation de la justice. Une convocation qu’il n’avait pas signée, en bon citoyen « légaliste », car ne comportant ni date ni heure et encore moins de motif.

L’ancien moudjahid âgé de 70 ans a été incarcéré dans l’annexe de la prison de Relizane « prévu pour 140 détenus mais qui en compte actuellement 400 ». Il s’est dit « choqué » par les conditions de détention : « La prison, chez nous, est faite pour humilier les gens », a-t-il déclaré.

L’affaire de Nîmes, une épine dans le pied des relations franco-algériennes

Mohamed Smaïn est revenu sur l’« affaire de Nîmes » pour expliquer la situation dans laquelle il se trouve et qui a provoqué son arrestation.

Ali Yahia Abdenour a, de son côté, condamné l’attitude de la France sur ce dossier sous l’ère de l’ancien président Nicolas Sarkozy. Le précédent gouvernement français de droite avait accepté, par le biais de son ministère public, de retarder la procédure judiciaire lancée à l’encontre de membres des milices d’auto-défense de Relizaine refugiés en France et confondus par plusieurs témoins parmi les proches des disparus.

« Tout au long de son quinquennat, Nicolas Sarkozy a épousé l’attitude des chefs d’Etats africains », a déclaré le président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme dénonçant sa volonté d’influencer la justice de son pays. L’arrivée des socialistes au pouvoir pourrait relancer le dossier judiciaire de ces miliciens en France.

Pour Mohamed Smaïn, dans tous les cas, l’engagement se poursuit. Il sera mercredi 11 juillet aux côtés des familles de disparus qui ont repris leurs rassemblements après les avoir arrêtés pendant deux ans.

Hadj Smaïn est l’auteur d’un livre-témoignage sur les crimes commis à Relizane dans les années 1990, « Relizane dans la tourmente. Silence, on tue…. », publié en 2006 en France aux Editions Bouchène. Plus de 7.000 cas de disparitions forcées du fait des services de sécurité et des milices auxiliaires sont reconnus par le gouvernement algérien.

Nejma Rondeleux, Maghreb Emergent, 11 Juillet 2012