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ARRESTATION ET CONDAMNATION DES HIRAKISTES : L’indignation des avocats

Selon le dernier décompte du Comité national pour la libération des détenus et de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, 175 détenus sont actuellement en prison.

L’arrestation de dizaines de citoyens et hirakistes, suivie par des condamnations par la justice à différentes peines d’emprisonnement pour certains et de mandat de dépôt pour d’autres, soulève une vague de colère chez les avocats qui dénoncent le caractère “anticonstitutionnel” et “arbitraire” de ces pratiques qui plus est ne font que “discréditer” la justice. Lors d’une conférence de presse animée hier au siège de SOS disparus à Alger, les avocats, Me Abdelghani Badi, Me Mustapha Bouchachi et Me Nabila Slimani ont, tour à tour, révélé plusieurs cas d’arrestations caractérisées par des “atteintes flagrantes aux droits citoyens et notamment le droit de circulation et de manifestation”. Pour Me Abdelghani Badi, ces “atteintes contre les personnes et leurs droits de citoyenneté ont atteint un seuil dangereux”.

“Il s’agit d’un glissement autoritaire et d’atteinte aux libertés individuelles et collectives flagrantes. Les arrestations sont devenues massives, caractérisées parfois, par des dépassements intolérables lors des gardes à vue contre plusieurs manifestants”, a-t-il dit, en relevant que “personne n’a été épargné, indistinctement de l’âge, du sexe et de la catégorie sociale”. “Jeunes, adultes, femmes, vieillards, simples passants et de toutes les catégories sociales ont été arrêtés arbitrairement et en dehors de tout respect de la loi”, déplore-t-il. Plus grave, toutes ces personnes ont été arrêtées, à Alger notamment, uniquement par “présomption politique”.

“Depuis deux ou trois semaines des citoyens ont été arrêtés pour la simple raison de se trouver à Alger ! C’est un piétinement dangereux de la loi et de la citoyenneté”, prévient l’avocat qui relève, par ailleurs, que plusieurs citoyens après avoir passé de longues heures dans les commissariats — certains pendant plus de douze heures — “ont été présentés par la suite devant les tribunaux avec des dossiers vides, fait inadmissible pour une justice indépendante”.

Depuis samedi, en effet, des dizaines de citoyens ont été présentés devant les tribunaux avec des chefs allant d’“atteinte à l’ordre public, attroupement non armé, outrage à corps constitués” à “publication pouvant porter atteinte à l’intérêt national”. L’avocate Nabila Slimani regrette, à ce propos, que c’est “tout le système judiciaire qui a été impliqué dans un imbroglio sans pareil. Et malheureusement, beaucoup ont adhéré à des décisions sécuritaires en leur apportant la couverture judiciaire”. “Toutes ces décisions et atteintes contre les citoyens sont contraires à la loi.

Si on peut trouver une justification politique aux arrestations massives de ces dernières semaines, aux yeux de la loi, elles sont injustifiables. L’on assiste à un usage abusif du pouvoir exécutif contre le pouvoir judiciaire”, a-t-elle affirmé en faisant remarquer : “Nous avons eu des exemples de PV de police qui incriminent l’intention même de venir à Alger pour participer à une marche.” “Nous sommes dans une dictature masquée”, s’indigne-t-elle.

Pour Mostefa Bouchachi, “l’heure est grave” et “l’opinion publique, la classe politique, les associations, les médias et les syndicats, dit-il, doivent être tenus au courant de ces agissements et pratiques qui mobilisent tout un corps de sécurité contre les citoyens”. “Nous assistons depuis le 7 mai dernier à des dépassements dangereux systématiques et programmés contre les Algériens, à Alger et dans plusieurs villes du pays.”

“Un citoyen, tout seul, arrêté à la rue Ali-Boumendjel, à Alger, a été accusé d’incitation à attroupement, une étudiante est embastillée alors qu’elle marchait seule dans les rues de la capitale, un vieillard, à Bab El-Oued, a été arrêté alors qu’il se rendait à la mosquée. Il a été retenu, par la suite, dans un commissariat pendant 48 heures… Les exemples de piétinement de la loi sont légion”, déplore-t-il.

En somme, mâitre Bouchachi a estimé que “la responsabilité de ces arrestations, effectuées en dehors de la loi, incombe à la plus haute autorité de l’État qui donne ses instructions à la police”. Selon le dernier décompte du Comité national pour la libération des détenus et de la Ligue algérienne de défense des droits de l’hommes (Laddh), 175 personnes en détention.

Karim B.
Liberté du 27/05/2021