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La harga (phénomène de l’émigration clandestine) touche l’ensemble des catégories sociales

Dans un entretien récent avec le journal Liberté, Salim Chena explique "la harga". Pour rappel, il est politologue et auteur des “Traversées migratoires dans l’Algérie contemporaine”, un livre-enquête sur le phénomène migratoire en Algérie.
Il estime que “la question de la ‘mal vie’ est centrale” car c’est l’une des raisons majeures qui poussent à partir.

Selon Salim Chena, c’est donc un phénomène qui touche l’ensemble des catégories sociales, bien qu’il soit dominé par des jeunes personnes, plutôt des hommes dans la force de l’âge, de plus en plus diplômés et qualifiés. Il y a aussi un contraste entre une absence temporaire de départs lors des tout premiers temps du Hirak et les départs actuels. De même, si un individu n’arrive pas à envisager un avenir meilleur chez lui, il aura davantage propension à chercher à satisfaire ses attentes ailleurs, qu’il s’agisse d’attentes économiques, d’émancipation individuelle, de construction de soi…

Un facteur fondamental de l’émigration irrégulière, notamment celle du Sud vers le Nord, est l’existence, depuis plusieurs décennies maintenant, de politiques migratoires restrictives et d’une augmentation des coûts de la migration régulière. La migration irrégulière existe aux quatre coins du monde et agrège un certain nombre de facteurs, doutes sur l’avenir, n’est pas réductible à une cause unique et, bien entendu, ne concerne pas que l’Algérie qui n’est, d’ailleurs, pas le pays le plus touché par la question. D’ailleurs, les plus pauvres des pauvres n’émigrent pas, puisqu’ils n’en ont pas les moyens. Lorsqu’il y a peu de visas, que ceux-ci coûtent cher et sans garantie d’obtention, ni remboursement en cas de refus, cela ouvre la voie à des stratégies alternatives dont le but est de contourner ces limitations réglementaires et économiques. L’aspect matériel renvoie à la question de la justice sociale, de l’égalité des chances dans l’ascension sociale, de l’accès équitable aux ressources de la vie (emploi, logement, crédit…).

Il n’y a pas de solution miracle, de remède définitif à aucune problématique. Car, le fait d’utiliser la peur de la mort, la crainte de l’arrestation ou la stigmatisation ne semblent pas suffire. Cette approche répressive n’est pas propre à l’Algérie, qui a été le dernier pays du Maghreb à l’adopter. On ne doit pas oublier non plus le rejet croissant des immigrés extra-européens par les peuples du Vieux Continent, à cause des succès idéologiques et électoraux d’une extrême droite raciste, xénophobe et islamophobe. A contrario, l’approche mérite d’être globale à la hauteur des enjeux humains. Marcel Mauss définissait la nation comme l’intégration morale et matérielle d’un groupe humain qui devient donc non segmenté : l’intégration morale désigne l’adhésion à un projet de vie, un projet de société partagé, qui permet de se projeter dans l’avenir.

On peut aussi regretter que la coopération entre pays de départ, de passage et de destination soit surtout concernée par les durcissements de la législation, la coopération sécuritaire, voire l’amalgame entre risque terroriste et migration. On ne doit pas oublier non plus le rejet croissant des immigrés extra-européens par les peuples du Vieux Continent, à cause des succès idéologiques et électoraux d’une extrême droite raciste, xénophobe et islamophobe. Une fois de plus, une approche apaisée de la question nécessite de ne pas la réduire à un enjeu autre que l’enjeu humain ; Contrairement aux idées reçues, la différence et le contact entre les peuples sont des facteurs de progrès plus que de conflits, puisque si on ne se connaît pas, on ne peut que se craindre. Au-delà de cela, il faut rappeler que l’histoire de l’humanité est l’histoire des migrations et des mobilités depuis la nuit des temps.

Source : https://www.liberte-algerie.com/entretien/la-harga-touche-lensemble-des-categories-sociales-346125