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LA PROBLEMATIQUE DE L’ACCES AUX DROITS : ENTRE TEXTES PROCLAMES ET OBSTACLES D’ACCESSIBILITE

Avant propos :

Le 24 juin 2012, s’est tenu à Alger un colloque dédié à la migration et à l’accès aux droits, intitulé :
« Algérie : migrations subsahariennes et accès aux droits » . Il était question « de débattre de la question de l’accès aux droits pour les migrants en situation irrégulière en Algérie, des modalités de l’accès aux soins et de la protection des différents acteurs qui viennent en soutien à cette population vulnérable » . Les débats entre les différents intervenants ; associations de la société civile, juristes et professionnels de la santé ont fait ressortir deux niveaux de complexités.

1- La réalité de la migration subsaharienne en Algérie qui se caractérise par des flux mixtes (migrants économiques et réfugiés) d’un côté, et d’un autre côté, une migration qui se fixe en Algérie (les villes), pour diverses raisons, notamment la difficulté d’accéder à « l’Europe forteresse ». Face à ça, une autre migration qui transite et qui tente toujours « le franchissement » dans une mobilité continue.
2 – Le cadre juridique et sécuritaire de la gestion de la migration par les autorités. Il s’agit, d’un côté, de la loi 08/11 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers et celle relative aux associations , et de l’autre, le dispositif sécuritaire mis en place dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Un tel cadre, peut constituer dans certaines situations, un handicap majeur pour la population migrante et les associations intervenantes quant à l’accès aux droits.

Il ressort de cette double complexité que la jouissance des migrants (irréguliers ou réfugiés) de leurs droits, tels que acceptés par l’Algérie, signataire des principaux instruments internationaux, se pose entièrement. Par conséquent, face à l’augmentation des flux migratoires provoquée par la guerre au nord du Mali, il devient urgent pour la société civile de développer une réflexion approfondie et des actions concrètes en faveurs de l’accessibilité des migrants à leur droits notamment les plus essentiels tel que le droits à la santé, à l’éducation, à la protection et la non-discrimination, le droit à l’asile pour les réfugiés et le droit au travail. Cet effort a déjà commencé à travers l’action de plusieurs organisations de défense des droits de migrants .

Aussi, ce document de référence revient sur la problématique de l’accès aux droits pour les migrants en Algérie, dans le but d’identifier les possibilités d’accès aux droits pour les migrants en situation régulière et irrégulière en Algérie, ainsi que les entraves et les atteintes à ces droits. Il s’agit aussi de dégager des pistes de plaidoyer en direction des pouvoir publics afin de permettre une plus grande protection en matière d’accès aux droits pour les migrants établis ou transitant par l’Algérie. Mais avant tout, ce document de référence, servira de base conceptuelle à l’élaboration d’un guide sur les droits des migrants destiné essentiellement aux migrants eux-mêmes, qui pourra aussi être utile pour les différentes parties intervenantes dans le domaine de la protection des droits des migrants.

Ce document de référence et le guide qui suivra sont réalisés par la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), dans le cadre d’un partenariat avec Médecins du Monde France, autour d’un projet d’accès aux droits et aux soins des migrants en Algérie, soutenu financièrement par la Commission européenne.

Pourquoi un tel instrument ?

L’expérience de terrain de ces trois dernières années, menée par Médecins du Monde, la LADDH et par d’autres associations qui travaillent auprès de la population migrante , a montré qu’il y a une insuffisance de compréhension et d’assimilation de la part des migrants et des autres intervenants (médecins, avocats, policiers…) des droits qui sont garantis par la législation algérienne et de fait de l’adhésion de l’Algérie aux principaux instruments de protection des droits des migrants . Mais surtout, qu’il y a un certain nombre d’obstacles juridiques, administratifs, bureaucratiques et humains qui entravent de fait l’accès à un certain nombre de droits. Cette situation accentue la précarité des migrants, notamment les plus vulnérables d’entre eux, à savoir les enfants et les femmes.

Le guide qui suivra, qui est un document de vulgarisation, conçu sur une base pédagogique de sorte qu’il soit simple, compréhensible et accessible, tentera d’atténuer le déficit ressenti en matière d’accès aux droits. Il permettra ainsi aux destinataires d’aborder avec facilité les différentes notions relatives à l’accès aux droits. Par ailleurs, le guide établira avec clarté « la frontière invisible » qui sépare les migrants en situation irrégulière, des demandeurs d’asile et les réfugiés, une séparation normative qui peut être la cause de méprise, de discrimination ou de faux espoirs. Car à la lecture des textes juridiques relatifs à la protection des migrants, « la frontière » entre migrant régulier, réfugié, ou migrant en situation irrégulière devient visible. Néanmoins, les différents niveaux de protection ont un socle commun, il s’agit des droits inhérents à la dignité de la personne humaine.

Pour l’élaboration d’un tel guide, nous avons collecté un ensemble d’informations auprès des différents acteurs qui sont les migrants eux mêmes, les associations qui travaillent avec et près d’eux, des avocats intervenants sur la thématique et des professionnels de la santé . Par ailleurs, une analyse du dispositif juridique traitant de la question migratoire a été faite en faisant ressortir les opportunités d’accès aux droits mais aussi les obstacles et les contraintes qui limitent ou annulent l’accès à certains droits. Le tout sous l’évocation constante du cadre normatif international auquel l’Algérie souscrit avec néanmoins un certain nombre de réserves.

L’Algérie et la migration subsaharienne :

L’Algérie qui est devenu le plus grand pays d’Afrique et qui a une frontière avec 7 pays longue de 6700km est devenu en quelques année un pays pivot de la migration subsaharienne. Ses côtes qui font face aux côtes du sud de l’Europe (Espagne, France et l’Italie) ont fait d’elle un pays de départ pour ses migrants « nationaux », ceux qu’on appelle les HARRAGAS, mais aussi un pays de transit pour les migrants subsahariens qui cherchent eux aussi à franchir la grande bleue et parvenir en Europe. Mais ces dernières années, l’Algérie s’est transformée aussi en un pays de destination pour une certaine migration. Ce changement « de statut » s’explique par deux facteurs intérieur et extérieur importants. Il s’agit de l’amélioration du climat sécuritaire et le développement économique que connait l’Algérie depuis quelques années, une situation qui encourage un certain nombre de personnes de tenter « l’expérience algérienne ». Il s’agit aussi du durcissement des politiques migratoires au sein de l’espace européen avec l’établissement entre autre du programme FRONTEX : l’agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne , mais aussi de la signature avec les pays de départ d’accords dit de réadmission . Ajoutée à ces facteurs endogènes et exogènes, la conjoncture régionale marquée essentiellement par la chute de Kadhafi en Libye, qui était un pays demandeur de la main d’œuvre subsaharienne, même si cela se faisait dans des conditions pénibles pour les travailleurs migrants . Et marqué surtout par le conflit au nord du Mali, un conflit qui a jeté des dizaines de milliers de maliens en Algérie et qui a conduit à la fermeture des frontières terrestres avec le Mali. Une situation qui aura des conséquences sur le séjour des Subsahariens en général en Algérie .

Mais les migrants qui se trouvent en Algérie, estimés par certaines sources entre 60 000 et 85 000 migrants Subsahariens, dont 26 000 en situation irrégulière , ne sont pas que des Maliens ou des Nigériens, il y a aussi des Camerounais, des Congolais, des Nigérians, des Libériens, des Ougandais et d’autres nationalités . Excepté la ville d’Alger, on les retrouve essentiellement dans des villes qui sont sur les routes de la migration, du Sud en remontant vers le Nord, ils passent ou s’installent dans les villes telles que : Tamanrasset, Adrar, Ghardaïa, Laghouat, Oran, Tlemcen, Maghnia et Annaba. Un nombre de plus en plus important d’entre eux se fixent de manière définitive en Algérie, et c’est cette nouvelle donne qui engendre des problématiques liées à l’accès aux droits et à la protection, car ces personnes expriment des besoins au même titre que les nationaux. Besoin de sécurité et de protection, besoin d’un toit où se loger, besoin d’un travail pour subvenir à soi-même et à sa famille, besoin de soins, besoin d’éducation et d’une instruction, besoin d’une identité pour les nouveaux nés, besoin d’une sépulture pour les personnes décédées, besoin d’exercer sa propre croyance etc. Mais en réalité, la satisfaction des besoins légitimes de cette population se trouve compromise, aux niveaux de la loi, de l’administration ou de l’individu « prestataire » par la situation effective ou supposée du migrant.

lire l’étude :