(Array|find{552}|oui)
13 janvier 2011
1- Pendant près d’une semaine, l’Algérie a été secouée par de violentes manifestations. Quelle lecture faut-il en avoir ?
Le verrouillage des libertés d’expression citoyenne, à la faveur de l’état d’urgence maintenu depuis près de 20 ans, a favorisé une gestion autoritaire de la société faisant de la violence un mode de gestion de la société, à tel point qu’on évoque une véritable culture de l’émeute, seul et ultime recours pour se faire entendre et régler les problèmes sociaux qui se multiplient. Nous constatons surtout, au cours des dernières années, que toutes les tentatives pacifiques de revendication ont été dissuadées et souvent réprimées (tous les rassemblements et les grèves ont été interdits dont les derniers exemples, les plus significatifs de cette situation, le congrès de la LADDH et la marche des médecins et spécialistes du secteur de la santé publique), ce qui constitue une forme de mépris et de violation du Pacte International des Droits Civils et Politiques.
Parallèlement nous relevons l’aggravation du phénomène de la corruption, et des scandales à répétition, qui s’apparentent à une véritable entreprise de dilapidation des richesses, et dont les « artisans » n’hésitent même pas à afficher les signes apparents de richesse, exhibant un luxe insultant vis‑à‑vis des couches les plus démunies (qui constituent la majorité écrasante de la société) qui doivent faire la chasse au sachet de lait introuvable dans plusieurs endroits du pays.
2- L’envolée des prix des denrées alimentaires, notamment ceux de l’huile et du sucre, est constamment présentée comme étant à l’origine de ces émeutes qui ont éclaté simultanément dans plusieurs villes du pays. Qu’en pensez-vous ?
Dans tout mouvement social d’envergure, il y a des causes apparentes et des causes latentes, donc beaucoup plus profondes. Ne s’attacher qu’à des formes et à des causes apparentes est, en soi, une forme de mépris vis‑à‑vis des victimes de graves violations de leurs droits économiques, sociaux et culturels qui sont à l’origine de l’aggravation de la pauvreté. La campagne mondiale que nous menons « Pour la dignité humaine » vise justement à montrer que la pauvreté n’est pas une « fatalité » ; elle est le résultat de politiques et de pratiques d’agents étatiques et non étatiques qui violent les DESC (Droits Economiques, Sociaux et Culturels). Au‑delà des dépassements que nous déplorons, propres à tout mouvement de masse non organisé non encadré et non canalisé, la jeunesse a exprimé un ultime appel de détresse pour la dignité, la liberté et l’espoir.
3- Aujourd’hui, le calme revient. Comment voyez‑vous l’évolution de la situation en Algérie ?
Tout dépendra de la prise de conscience de la société civile, et de ses formes d’expression citoyennes pour donner un contenu concret à ce cri de détresse. Encore une fois le changement social ne se décrète pas, pas plus qu’il n’est une fatalité.
4- Plus d’un millier de jeunes ont été arrêtés et incarcérés par les forces de sécurité. On parle d’arrestations arbitraires et de dépassements. Avez‑vous des informations là‑dessus ?
Nous ne sommes pas habilités, et nous n’avons pas les moyens, de faire des recherches en ce sens dans notre propre pays. Néanmoins, dans ce genre de situation, Amnesty international exhorte toujours les autorités à diligenter une enquête approfondie et impartiale sur les cas de décès et de dépassements graves, et amener toute personne responsable d’avoir recouru à une force excessive ou ordonné d’y recourir à rendre compte de ses actes. Parallèlement, nous pensons que la levée de l’état d’urgence et l’ouverture du champ médiatique, politique, syndical et associatif pourrait permettre de régler les conflits pacifiquement et par la seule force du droit.
TSA le 13-01-2011