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23 février 2012
Les « amis » occidentaux gèrent leurs intérêts et se réservent toutes les options à commencer par la caution apportée aux pseudo-réformes menées par un régime décidé à se maintenir contre l’histoire. Un an après les grandes émeutes de janvier 2011, les jacqueries, éparses et atomisées par le traitement policier, se poursuivent alors que le régime refuse toujours à ce que la société algérienne s’organise et secrète des acteurs libres et autonomes. Participer dans ces conditions à un scrutin ne peut être qu’un choix tactique et il n’est pas sans risque si on ne fixe pas d’emblée les garde-fous contre « l’attrait de la mangeoire ». Car le régime ne change pas. Il ne fait qu’offrir des « emplois d’attente » à l’ombre d’un système de corruption.
Des faux témoins de la « civilisation »
Le conseil national de la LADDH, réuni à Zéralda les 17 et 18 février, a résumé, de manière succincte dans son communiqué, pourquoi il ne faut accorder aucun crédit à un régime qui, fondamentalement, ne fonctionne que sur le double levier de la répression et de la corruption. Sans efficacité minimale au plan de la gestion économique et administrative. Dans l’atmosphère de rapine qu’il a instituée comme norme et malgré une conséquente disponibilité des ressources financières, le service public ou le service du public n’existe pratiquement plus. Quelques flocons de neige et l’on a redécouvert de très nombreux Algériens esseulés et les niveaux de pauvreté que les temps cléments permettent de cacher. Les perturbations climatiques, indiquent le communiqué de la LADDH, ont montré les « limites du système de gouvernance en matière de prise en charge du citoyen et de la protection de ses droits sociaux et économiques fondamentaux ». Le langage des militants des droits de l’homme est fortement marqué par la volonté de faire du « constat ». Il ne rapporte que très faiblement le niveau de l’écœurement de très nombreux Algériens face à la gabegie d’un système si « présent » pour surveiller, contrôler, réprimer et empêcher le mouvement naturel de la société vers l’émancipation, la liberté et la citoyenneté. Le régime ne fonctionne qu’à la manœuvre, la manipulation et aux faux semblants. Il réprime les Algériens et négocie, avec les occidentaux, pas avec les forces politiques du pays, des opérations cosmétiques qui n’illusionnent que ceux qui veulent bien faire semblant d’y croire. Depuis que le régime a entrepris ses fausses réformes en faisant mine de modifier les textes – et en le verrouillant davantage le plus souvent – nos « amis » d’occident ont multiplié les exclamations d’admiration… Comme d’habitude, ils ont leurs propres soucis et les tenants du régime savent y répondre. On finira, bien sûr, par saisir la « contrepartie » qui a été concédée, pour obtenir le faux témoignage de « civilisés » sur les réformes « impressionnantes » menées par le gouvernement algérien. Le conseil national de la LADDH a appelé, avec une certaine pudeur, la communauté internationale « à faire preuve de réserve » et à s’abstenir de prendre des positions dans le « sens d’un soutien aux soi-disant réformes, attentatoires, dans les faits, aux libertés ». On peut penser que les militants des droits de l’homme prêchent dans le désert. Les occidentaux privilégient leurs intérêts et non les valeurs des droits de l’homme. Mais la LADDH n’a pas tort d’envoyer ce message à nos très « chers amis » pour leur signifier que nous ne sommes pas dupes. Et que nous prenons acte de leurs faux témoignages et de leur long compagnonnage avec des autocraties et des dictatures bien commodes. C’est sans doute cela la supériorité de la « civilisation » de M.Guéant si fortement « impressionné » par les virgules que le régime algérien a déplacées dans des textes de loi qui ne s’appliquent jamais.
La fabrique des chiffres
En février 2011, quelques semaines après les émeutes de janvier que le régime persiste à lire sous l’angle du prix de l’huile et du sucre, le Conseil des ministres s’est réuni et a annoncé, en grande pompe, plein de mesures pour favoriser l’emploi. L’Ansej, zone largement interdite au grand nombre et très fortement fréquentée par les fils de la Nomenklatura, s’est ouverte un peu plus. Il y a eu un rush. De l’argent est passé dans des micro-entreprises. Des jeunes ont sauté sur l’occasion en se disant que de toute façon ils ne paieront pas le crédit et que le pouvoir finira par y renoncer. Pour tout le monde. Y compris pour les rejetons de la nomenklatura. Un an plus tard, le ministre du travail et ses agences et offices plastronnent en balançant des chiffres totalement invérifiables sur le nombre d’emplois créés en « application des décisions prises par son excellence M.le président de la République ». On omet de préciser que les emplois créés sont sans lendemain et c’est pour cela qu’on a inventé la formule éloquente « d’emplois d’attente » ! Et qu’au moment où les statistiques sont délivrées pour édifier les Algériens sur la grande « générosité » du régime, ces emplois d’attente n’existent déjà plus. Ce qui est sûr, c’est que l’argent a été dépensé. Et cet argent a produit un peu d’emploi et surtout beaucoup de chiffres sans queue ni tête. C’était cela la réponse « sociale » du régime à l’émeute du « sucre et de l’huile » qui a surtout profité aux copains de l’informel, très officiellement incités à continuer à faire leur négoce à coup de sachets plutôt que de passer par le très voyant chéquier. Quand au volet « politique », on le connaît, ce sont les virgules ajoutées aux lois… sans que ne soient discutée la réalité du régime, celle-là même qui rend sans effet les lois ou bien les rend d’une application variable, celles-là même qui font de quelques milliers d’Algériens des super-citoyens et tous les autres, des sujets….
Que faire, une fois de plus…
Participer aux élections dans ces conditions est un choix difficile. Des militants du FFS, des sympathisants ou tout simplement des compagnons de route ne le souhaitent pas et ils ne manquent pas d’arguments. Et sur le fond, ces arguments fondés sur un constat et une analyse du fonctionnement et des intentions du régime, ceux qui prônent la participation les partagent. Le régime ne sort pas de sa logique manœuvrière et continue de fonctionner sur les leviers de la répression et de la corruption. Si la participation se décidait uniquement sur l’analyse des intentions du régime et de son absence de disponibilité à aller vers une démocratisation réelle du pays, le choix du boycott est une évidence. C’est un choix de principe qui consiste à dire qu’on refuse d’apporter une caution à un processus électoral déjà biaisé et fondamentalement malhonnête. Mais, disent les partisans de la participation, c’est aussi un choix qui tend à la facilité et surtout à la passivité. Quand on s’interdit le recours à la violence, le « boycott actif » devient une idée sans traduction concrète. Le FFS qui a expérimenté les deux options sait qu’il n’existe pas, dans les contextes actuels, de bon choix. Ceux qui prônent la participation estiment qu’il faut être « prêt » à saisir les opportunités qui pourraient surgir d’un contexte régional mouvant et d’une contestation populaire éparse et atomisée. Mais il n’est pas certain que ces deux facteurs virtuels deviennent des éléments concrets poussant vers le changement.
Un choix tactique et des garde-fous
Nos « amis » occidentaux ont déjà fait leur choix. Et s’ils ont des exigences à l’égard du régime, cela se rapporte à l’économie, à sa fonction de gardien de limès et à la normalisation avec le Maroc. Quand à la contestation populaire, invoquée aussi bien par les partisans de la participation que par les partisans du boycott, il faut avoir l’humilité de constater que seule sa généralisation et son organisation peut-être porteuse d’évolution vertueuse. En définitive, si participation il y a, elle se fera dans un contexte incertain et avec des données plutôt rédhibitoires. Comment aller à une élection législative tout en gardant sa vision critique et en refusant de cultiver les illusions que, par notre seule présence, le parlement va devenir autre chose qu’une chambre d’enregistrement et un lieu de promotion individuelle ? Peut-être en le disant clairement : la participation est un choix tactique, une sorte de pari raisonnable pour essayer de saisir de vagues opportunités, d’aller vers le bon sens. Et dans ce choix tactique, il faudra donc afficher d’emblée l’option de se retirer de cette assemblée, une fois le constat définitivement établi que ces opportunités d’avancer n’existent pas. Cela suppose que ceux qui seront élus députés sont clairement engagés dans ce choix et que cela fasse partie de leur engagement éthique public. Il faut clairement afficher que ce parlement n’est toujours pas, dans les conditions fixées par le régime, un espace de délibération politique. Et que si on y va, c’est dans un esprit de commando de militants politiques disciplinés, fermement décidés à ne pas succomber à la normalisation par la mangeoire. L’exercice est difficile, le régime étant particulièrement fort dans l’art sournois de poser les mines normalisatrices. C’est pourtant le seul paramètre qu’un parti qui choisit de participer, est à même de contrôler. Et qu’il doit impérativement contrôler pour éviter que la représentation à l’APN ne se résume à des « emplois d’attentes ». A défaut, la participation serait effectivement une illusion de plus…
Ahmed Selmane
Mardi 21 Février 2012
in la NATION