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Langue maternelle et identité algérienne en débat

Pour célébrer la Journée internationale des langues maternelles, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) et l’association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) se sont associés pour débattre sur le thème. C’est l’occasion de revenir sur un sujet sensible et propre à l’Algérie : tamazight.

« C’est une question très sensible, car c’est parler de l’identité algérienne », indique le président de RAJ, Abdelwahab Fersaoui. « Elle est prise en otage au détriment du vivre ensemble dans le respect du pluralisme linguistique », ajoute-t-il, soulignant la polémique, ancienne et toujours d’actualité, autour des langues maternelles, et notamment tamazight. Pourtant, la réponse semble simple, à écouter Mme Khaoula Taleb Ibrahimi, linguiste et professeure à l’Université d’Alger. « Il n’existe pas de sociétés considérées comme monolingue, parce qu’une langue connaît le phénomène de la variation. En effet, il y a des différences de genre, d’âge ou encore de formation. » D’une façon générale, toutes ces tensions autour du concept des « langues maternelles » proviennent de l’école. Pour preuve, avec l’arabisation du pays, « l’école algérienne devait apprendre la langue », expliquant à l’enfant que « la langue apprise avant son entrée à l’école est en conflit avec celle du professeur qui va servir de modèle », explique-t-elle. Face à ce phénomène, pourtant flagrant, l’Algérie « refuse de reconnaître qu’il y a une variation et différents parlers arabes », menant les élèves à l’échec d’année en année. Un des experts présents, Mouloud Lounaouci, chercheur et sociolinguiste, va même jusqu’à dire que l’échec scolaire était « planifié ». Pis encore, ce sont aujourd’hui « les produits du terrorisme et du banditisme ».


En conséquence, l’objectif de cette réunion est alors de transmettre le message suivant : « Il faut sortir du déni et de cette stigmatisation des parlers arabes. » Depuis peu, on note, malgré tout et en comparaison aux années 1970, un progrès. « A l’université, en 1970, il était impossible de parler de dialectes. Petit à petit, la revendication par rapport à tamazight a nourri la reconnaissance des parlers », précise-t-elle. Par ailleurs, la question des langues amazighes a des connotations politiques. « Régler les questions des langues, c’est aussi vouloir pacifier une nation », indique M. Lounaouci. Effectivement, dès que deux ou plusieurs langues entrent en jeu sur un territoire national, elles sont vecteur de « guerre », chacun voulant s’imposer pour « rester seul au sommet ». A travers une anecdote personnelle, M. Lounaouci tient à souligner que la langue maternelle reste une langue vivante au cœur de la vie en société. « Mon père disait toujours que la langue française et la langue arabe s’arrêtent au seuil de la porte, laissant place au kabyle. » Selon lui, la politique est la clef du problème. C’est elle qui « ampute » cette fameuse identité, comme il l’explicite clairement, en imposant une seule langue comme « moyen de monopoliser le pouvoir ».

Rappelons-le, « la richesse de l’Algérie réside dans sa diversité. C’est cette construction quotidienne, à la fois sur le conflit et l’apaisement, qui construit le vivre ensemble, mais il faut d’abord être conscient de ce que nous sommes pour dialoguer avec son prochain, qui peut être aussi proche que lointain », conclut à la perfection Mme Khaoula Taleb Ibrahimi.

in Reporters,
le 22 02 2015