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Quand les enfants de disparus s’approprient la « fête de l’indépendance et de la jeunesse »

Le 5 juillet est officiellement la « fête de l’indépendance et de la jeunesse ». Les enfants de disparus de Jijel, représentés par l’association Mich’al des enfants de disparus de Jijel, ont tenu à commémorer à leur façon cette journée, pour faire entendre leur voix à l’échelle nationale et internationale.

ce 5 juillet 2010, les épouses, les parents et en particulier les enfants de disparus de Jijel ont tenu leur premier sit-in au centre ville de Jijel. Les manifestants ont déploré le fait que, en ce jour très cher à tous les algériens dans l’Algérie indépendante, des milliers de familles attendent encore le retour de leurs proches arrêtés par les diverses forces de sécurité durant les années 1990, suite au coup d’état militaire du 11 janvier 1992 qui avait mis fin au processus électoral.

Les autorités algériennes, tout en niant le droit légitime et élémentaire des familles à la vérité et à la justice conformément aux conventions internationales signées par l’Algérie, osent officiellement célébrer l’indépendance en déployant une grande campagne médiatique et des moyens colossaux, sans aucun respect pour la douleur des familles de disparus qui ne cesse depuis plus de dix ans.

Le sit-in a eu lieu au niveau de la place du Pêcheur située du côté Est de la mairie de Jijel, et au Sud de la caserne militaire de la marine nationale. De nombreux passants ont observé avec curiosité ce rassemblement au cours duquel des slogans ont été lancés et des tracts distribués. Une banderole de l’association Mich’al exigeant la vérité et la justice a été déployée. Des personnes touchées elles-mêmes par la disparition d’un proche, de passage sur la place, se sont approchées des manifestants pour partager leur épreuve et exprimer leur solidarité.

C’est cet endroit même qui a accueilli les festivités officielles de commémoration de la journée d’indépendance. Les plus hautes autorités de Jijel y ont pris part. Les familles de disparus présentes sur les lieux dès 08h du matin ont rapidement attiré l’attention des policiers présents. Les sacs contenant pancartes et tracts ont été fouillés et confisqués. Le responsable de la police s’est rendu personnellement sur les lieux où il a interdit toutes activités pouvant troubler les célébrations officielles sous prétexte qu’elles « pouvaient lui poser de sérieux problèmes avec ses supérieurs ».

Dès la fin de la célébration officielle et le départ des responsables, les objets confisqués ont été restitués et le sit-in a commencé. Une heure et demie plus tard, le même responsable de la sureté nationale s’est adressé au président de l’association lui demandant « de cesser le sit-in pour ne plus le gêner, d’autant plus que la caserne de la marine se trouve juste en face ».

Le sit-in a été achevé vers 11H avec grande satisfaction chez les enfants et familles de disparus de Jijel. Pour la première fois dans cette wilaya, le mur du silence a été cassé avec l’objectif de mobiliser d’autres proches de disparus dans toute la wilaya de Jijel pour partager ensemble leur douleur et mener ensemble ce combat.

Il a été décidé que la place porterait dorénavant le nom de « Place du Disparu » : la statue érigée lors de la période coloniale est l’un des monuments les plus connus de Jijel. Elle représente un pêcheur en position assise, habillé d’un short, occupé à réparer un filet. Dorénavant cette statue représente un disparu, assis, en train de coudre ses vêtements dont il ne reste que des haillons après tant d’années de séquestration dans des conditions inhumaines. Cette place est devenue en ce jour un endroit d’expression publique à Jijel.

Un sit-in mensuel est prévu dorénavant le samedi de la première semaine de chaque mois, continuant toujours le combat pacifique pour la vérité et la justice.

Jijel, le 05/07/2010

Par l’Association Mich’al des Enfants de Disparus de Jijel (AMEDJ)

Moussa Bourefis, Président