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Rencontre sur les droits des migrants :Les associations en appellent au respect des conventions internationales

Des associations telles que la Ligue algérienne des droits de l’homme (Laddh) tentent de briser des stéréotypes véhiculés sur le migrant, d’autant que l’Algérie est un pays pourvoyeur de migrants, et depuis quelques années, il est devenu autant une terre d’accueil que de transit car les migrants y font escale pour y travailler.

Lors d’une conférence animée hier à Alger, des associations se sont exprimées sur l’accès au droit des migrants en terre d’accueil.

Les flux migratoires concernent principalement les migrations Sud-Sud. L’augmentation récente de la présence de migrants dans le pays a incité les pouvoirs publics à modifier la législation en matière d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers.

Des amendements du code pénal ont consacré le durcissement de la politique de gestion des flux migratoires en criminalisant le franchissement illégal des frontières pour les étrangers comme les nationaux.

Une loi que maître Nourredine Benissad dénonce pour « son caractère répressif », d’autant que selon lui, « le harrag est passé du statut de victime à celui de coupable et ce, en dépit de la Convention des Nations unies sur le trafic des migrants qui a été ratifiée par l’Algérie et qui impose une différence entre le trafiquant et le migrant ».

Aussi, la problématique inhérente aux migrants pose la question de leur accès aux droits socioéconomiques. C’est dans ce sillage et au vu de l’ampleur du phénomène qui n’est pas près de se tarir que la Laddh, en partenariat avec le bureau de Médecins du Monde (MDM) en Algérie, a élaboré un guide des droits des migrants afin d’informer ces derniers des droits dont ils disposent et que bien souvent ils méconnaissent.

Abdelmoumène Khelil, membre de la Ladhh et du groupe de travail Réseau euro-méditerranéen sur la migration a indiqué que « la question migratoire a toujours été au cœur des préoccupations de la Laddh et qu’au départ, l’association s’était associée au Haut commissariat aux réfugiés (HCR) afin de prêter une assistance juridique aux réfugiés avant d’évoluer vers la protection des migrants car ces derniers bénéficient de beaucoup moins de soutien que les réfugiés.

Maître Wadie Meraghni, avocat spécialiste en droit des réfugiés et des migrants, a pour sa part expliqué que ce guide était un outil pédagogique dans un langage simplifié en prenant en compte la réalité du terrain et certaines pratiques subies par les migrants, dont la principale difficulté est de ne pas disposer de documents et titres de séjour.

Ainsi, ce guide souligne que les droits socioéconomiques et d’accès à la santé sont garantis par la loi algérienne et les conventions internationales de protection des migrants qui ont été ratifiées par le pays.

Néanmoins, des obstacles juridiques administratifs et humains entravent l’accès à un certain nombre de droits et accentuent de fait la précarité des migrants, notamment les plus vulnérables.

Des soins devant être accessibles mais posant toujours problème
Khelil a indiqué que l’article 28 sur la Convention des droits des migrants précise qu’aucun motif ne peut être invoqué pour empêcher l’accès aux soins.

Ainsi, Mme Charlotte De Bussy, représentante de MDM en Algérie, a fait savoir que son association qui s’attelle à faciliter l’accès aux soins des personnes vulnérables s’était penchée sur les parcours des migrants qui empruntent des routes de plus en plus dangereuses et sont de plus en plus exposés aux dangers et aux violences.

Elle a fait savoir que son champ d’intervention se limitait en fonction de la législation du pays où elle siège et s’est félicitée que l’Algérie ait un système de santé ouvert à tous sans aucune discrimination avec une prise en charge gratuite et qui ne requiert pas une couverture sociale, contrairement à d’autres pays tels que la France qui l’exigent.

Néanmoins, elle a indiqué que bien des migrants n’osaient se rendre dans les structures hospitalières par méconnaissance de leurs droits, car dans certains établissements, la police peut procéder à leur arrestation.

C’est dans ce sens qu’elle a expliqué que MDM s’attelait à effectuer un travail de sensibilisation auprès des soignants qui sont réticents à l’idée de les prendre en charge.

« Certains ont été mal reçus, c’est pour cela que nous œuvrons à briser les stéréotypes. En outre, nous constatons que de plus en plus de femmes enceintes prennent le risque de ne pas suivre leurs grossesses de peur d’être arrêtées après leur accouchement. Nous essayons de nous informer sur les endroits où des arrestations ont eu lieu afin d’orienter les migrants vers d’autres structures. Nous avons observé que les centres de soins sont des lieux sûr alors que dans certains hôpitaux, des arrestations ont été relevés, des faits que nous n’attribuons pas au personnel de santé mais à la police », a-t-elle expliqué, ajoutant que la peur de l’étranger n’est pas spécifique au pays mais inhérente à toutes les sociétés.

Une discrimination dans le droit à l’éducation
Concernant le droit à l’éducation qui est une obligation dans le pays, tout migrant qui souhaite inscrire son enfant dans une école publique doit fournir des documents dont disposent rarement les migrants en situation irrégulière.

Khelil dénonce le deux poids, deux mesures qui subsistent en la matière puisque les réfugiés syriens qui n’ont pas de reconnaissance officielle ont tout de même le droit de scolariser leurs enfants.

« Cette mesure est discriminatoire. Pour s’en dédouaner, les pouvoirs publics expliquent que les syriens ont des prédispositions pour la langue. Un argumentaire que je réfute puisque tout enfant est capable d’assimiler l’apprentissage d’une langue. Il est temps que les pouvoirs publics traitent cette question sur un plan égalitaire. La Laddh compte élaborer un plaidoyer en vue d’en finir avec cette discrimination », a-t-il affirmé, relevant que cette disposition est contraire à la Convention internationale sur les droits des enfants et qu’il n’est plus possible de laisser des enfants devenir de futurs illettrés, les privant ainsi de ainsi toute intégration.

Une réflexion autour d’une régularisation massive

L’accès au droit du travail fait également l’objet d’une attention particulière de la part des associations de défense des droits de l’homme, d’autant que la loi stipule que pour accéder au travail dans un cadre formel, les migrant doivent aussi fournir des documents qu’ils ne possèdent pas, ce qui les pousse à trouver des emplois précaires.

M.Khelil a déploré une telle situation, soulignant par ailleurs que l’Algérie a signé la convention sur les travailleurs migrants. Selon lui, cette ratification n’avait qu’un seul but, à savoir protéger ses ressortissants à l’étranger.

« Désormais, nous sommes face à une immigration qui vient chez nous, qui s’y installe et qui souhaite travailler. L’Etat doit se conformer aux conventions qu’il a ratifiées », a-t-il relevé, ajoutant qu’une réflexion autour d’une régularisation massive devrait être engagée, à l’instar de ce qui s’est fait ailleurs.

« Cette question concerne tous les acteurs de la société algérienne. Bien sûr, il faut gérer les flux, mais il faut y répondre en respectant la dignité des hommes. La question des migrants est universelle mais la souveraineté des Etats prime dans la façon d’appréhender la question. La Laddh s’associe à toutes les organisations des droits de l’homme européennes et de la rive sud de la méditerranée pour élaborer des pistes de réflexion car nous avons tous été scandalisé par les drames de l’immigration dont celui de Lampedusa. Toutes les actions en vue de tarir le flot de migrant ont échoué », a-t-il affirmé.

Pour sa part, maître Benissad a appelé à « une aide de développement plus efficiente et plus importante en direction des pays subsahariens et ce, en vue d’aider les jeunes à se forger un avenir car ils sont la matrice de ces pays », a-t-il indiqué.

Sabrina Benaoudia
le temps d’Algérie
le 22 12 2013